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« Enough is enough », le mouvement social qui fait trembler les dirigeants britanniques

« Une tempête faite de guerre, de changement climatique, de pandémie et de crise économique conduit les travailleurs de tout le pays à dire "trop c'est trop". » Cʼest ainsi que Robert Poole, syndicaliste britannique, résume la situation de lʼautre côté de la Manche, où un mouvement social inédit - et inspirant - est en cours.

Vendredi 12 août 2022

Explosion du coût de la vie, gel de salaires, désinvestissements dans les services publics, etc. alors quʼune poignée de patrons se font des milliards sans être taxés. Cela vous dit quelque chose ? Cʼest normal. La classe travailleuse britannique connaît les mêmes difficultés quʼici et ailleurs. La bonne nouvelle ? Elle sʼest lancée dans le plus grand mouvement social de ces 30 dernières années…

« Enough is enough ». Trop cʼest trop. Cʼest la campagne que des syndicats, des associations et des députés de gauche viennent de lancer pour « lutter contre la misère imposée à des millions de personnes par l'augmentation des factures, les bas salaires, la pauvreté alimentaire, les logements insalubres et une société gérée uniquement par une élite riche » selon les organisateurs (lire plus ici). Leurs revendications sont claires :

1. Une vraie augmentation de salaire

2. Réduction des factures d'énergie

3. Fin de la pauvreté alimentaire

4. Des logements décents pour tous

5. Taxer les riches

En quelques jours, la pétition du même nom avait récolté… 200 000 signatures.

Un mouvement structuré

Ce mouvement ne tombe pas du ciel. Depuis des mois, la classe travailleuse de toute le pays se bat. Les cheminots ont lancé le mouvement en juin. Fin du mois, ils étaient 50 000 a mener une grève dʼune ampleur jamais vue depuis les années 1980. La raison ? La volonté du gouvernement dʼattaquer leurs conditions de travail, réduire lʼemploi… bref, continuer la casse du rail initiée il y a des décennies par le gouvernement très à droite de Margaret Thatcher. Pas question pour le RMT (National Union of Rail, Maritime and Transport Workers), puissant syndicat du chemin de fer, dirigé par le populaire Mick Lynch : « Nous avons vu comment les autres travailleurs britanniques ont perdu des droits. Pour nous, c’est la bataille d’une vie : si nous n’arrivons pas à un accord, les cheminots seront plus pauvres, aussi bien dans l’emploi qu’à la retraite, et ils seront mis en danger, comme on a pu le voir dans de très nombreux services publics dans le pays, avec des personnels externalisés vers le privé et toujours soumis à des pressions sur leurs salaires, leurs emplois et leurs conditions de travail. Pas le choix, et les cheminots britanniques le savent : on doit la gagner, cette lutte ! » (Interview dans lʼHumanité, 11 juillet 2022)

Dʼautres secteurs se sont lancés depuis dans la bataille. Dernier en date : les postiers, qui annoncent une grève de quatre jours pour arracher des augmentations salariales. La campagne Enough is enough, à peine née, grandit déjà à une vitesse vertigineuse. Pour se rendre compte de lʼampleur du mouvement, un coup dʼoeil à la carte des piquets de grève mise à jour en temps réel, suffit… Ces dernières semaines, les actions se comptaient par centaines. Et ce nʼest quʼun début, selon le responsable syndical Robert Poole : « Appelez cela comme vous voulez, "l'été de la colère", "l'été de la solidarité" ou même "l'été chaud de la grève", nous vivons une époque sans précédent. » (Article de Morning Star à lire ici)

« Donʼt pay »

Une campagne citoyenne vient dʼêtre lancée en parallèle : « Donʼt pay UK ». 100 000 personnes – qui seront bientôt rejointes par beaucoup dʼautres – appellent à faire la grève… du paiement des factures dʼénergie à partir du 1er octobre prochain. Une date qui nʼa évidemment pas été choisie au hasard : ce jour-là, le plafond des factures de gaz et dʼélectricité passera de 1 971 livres (2 327 euros) à… 3 300 livres (3 900 euros) par an. Après une hausse de plus de 50 % en avril dernier.

Le pays est durement touché par la hausse des prix de lʼénergie. Les inégalités sʼaccentuent : le coût de la vie pour les 20 % les plus pauvres grimpe de 16 %. Pour les 20 % les plus riches, cette hausse est de 7 %. Et la Banque d’Angleterre prévoit une inflation de 13 % en octobre prochain.

Le mouvement « Donʼt pay UK », sʼil peut surprendre ici, est une initiative déjà utilisée au Royaume-Uni. Et ça marche. La preuve ? Le gouvernement Thatcher est tombé suite à une campagne similaire (contre une taxe injuste, la « Poll tax », lire plus ici

Le gouvernement sʼattaque aux grévistes

La réponse du gouvernement conservateur ne porte pas sur les racines du problème, mais bien sur… les travailleurs en lutte, selon Robert Poole : « La réponse de la classe dirigeante à cette crise ? Criminaliser la contestation et écraser l'économie. Le gouvernement dispose déjà de toute une série de lois antisyndicales draconiennes qu'il chercherait à renforcer encore, nous faisant faire un pas de plus vers un État capitaliste dystopique (fiction qui décrit un monde utopique sombre, NdlR) et autoritaire. »

Pour Mick Lynch, « ce gouvernement ne manifeste aucun intérêt pour les problèmes et les politiques publiques. Ils ne pensent qu’à leurs carrières, leurs promotions, leurs ambitions… »

Du côté du Labour party (parti travailliste) ? Si deux députés participent à Enough is enough, la direction du parti fait la chasse aux militants qui soutiennent le mouvement social. Des membres du parti ont été renvoyés pour avoir rejoint les piquets. Comme Sam Tarry, le député spécialiste du… transport public du parti, viré pour sʼêtre rendu en solidarité à un piquet sur le rail… Un comble pour un parti fondé par les syndicats, comme le rappelle le Mick Lynch : « Mon syndicat a fondé le Labour avec d’autres. Si Starmer (dirigeant du Labour, NdlR) n’arrive pas à dire : " Je suis avec vous, vous avez besoin d’une augmentation salariale, vous avez besoin de protections sociales, vous avez besoin de services publics", il va juste disparaître, comme tant d’autres avant lui… Le Labour doit commencer par se ranger du côté du peuple, une première étape avant même de voir les politiques concrètes qu’il pourrait mener. »

Assez des super-riches

Bref, la réponse ne viendra pas de Downing street, rue du siège du Premier ministre, ni du Parlement. Comme le dit le dirigeant du syndicat du rail, « les conservateurs et les patrons se sont persuadés que le Covid avait rendu les gens passifs et inquiets pour l’avenir, qu’ils se laisseraient faire et ne se rebelleraient pas… Mais c’est là qu’ils se sont trompés : les cheminots, mais la population britannique de manière plus générale, n’en peuvent plus de ce gouvernement, de ces super-riches, de ces élites qui fraient ensemble dès leur jeune âge dans les écoles les plus sélectives, à Eton, puis à Oxford ou Cambridge, de ces gars qui n’ont jamais eu un vrai emploi de toute leur vie… Ils en ont assez que ces professionnels de la politique décident de qui peut gagner quoi, et ça toujours pour le profit de quelques-uns et le malheur de l’écrasante majorité. C’est cela qui est en train d’émerger, c’est cela qui peut nous débarrasser de ces dirigeants qui prétendent dicter ses conditions de vie au peuple ».

 

La lutte de la classe travailleuse britannique à ManiFiesta

Jeremy Corbyn est une figure de la gauche britannique et un infatigable militant pour la paix. Il sera à ManiFiesta les 17 et 18 septembre prochains. Plus d'infos ici.

Chris Mitchell (UK) est un leader du syndicat britannique GMB. Le GMB est un syndicat actif dans presque tous les secteurs industriels, le commerce de détail, les soins de santé et les services publics. Il compte plus de 600 000 membres et a été cofondé par Eleanore Marx, fille de Karl. Il sera à ManiFiesta le samedi 17 septembre. Toutes les infos ici.