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Élections en France : la faillite de Macron, le danger du Rassemblement national, la résistance du Nouveau Front Populaire

Ce dimanche 30 juin, des élections législatives anticipées ont lieu en France. Face à la faillite du président libéral Macron qui a dissous l’assemblée nationale et une extrême droite aux portes du pouvoir, la résistance sociale est incarnée par le Nouveau Front Populaire. 

Vendredi 28 juin 2024

Deux personnes recouvrent un panneau d'affichage électoral en France

Depuis son arrivée au pouvoir en 2017, Emmanuel Macron, le président des riches, a fait exploser les inégalités et a attaqué les droits démocratiques des Français. Tant avec les gilets jaunes (2018) qu’avec la réforme des retraites (le passage de la pension à 64 ans) et la crise du pouvoir d’achat, il a alimenté la colère légitime d’une grande partie de la population. Ses politiques antisociales ont été le terreau de la montée de l’extrême droite, et en même temps, il a de plus en plus légitimé les idées du Rassemblement national (RN) en tapant toujours plus durement vers « le bas » : les chômeurs, les travailleurs précaires, les personnes d’origine étrangère. 

Le président de la casse sociale et du recul démocratique

Au soir du 9 juin, largement battu aux élections européennes, Macron dissout l’Assemblée nationale, symbolisant la faillite de sa politique. Élu en 2017 pour faire barrage à l’extrême droite, puis réélu en 2022, sa politique a fait faillite. Dès 2017, il a montré qu’il est l’ami des ultra-riches avec la suppression de l’impôt sur la fortune (ISF) et a multiplié les cadeaux fiscaux aux plus grandes entreprises, ce qui a vidé les caisses de l’Etat. 

Face à chaque mouvement de résistance, Macron a toujours préféré une politique violente et de recul démocratique

Macron n’a cessé de mépriser les Français et leurs problèmes. Aujourd’hui, un Français sur trois se prive de repas par manque de moyens. Il leur a imposé de travailler jusqu’à 64 ans.

Ses politiques libérales ont particulièrement touché les campagnes : fermetures de bureaux de poste, d’administrations de proximité, de services maternité et d’urgences, de tribunaux, de commissariats, suppression de classes d’écoles, de petites lignes de train… 

Dans les soins de santé, la suppression de 26 000 lits d'hôpital depuis 2017 a créé des déserts médicaux en réduisant fortement l’accès aux soins de santé sur tout le territoire et en augmentant la pression sur le personnel soignant, qui craque de partout.

Face à chaque mouvement de résistance, Macron a toujours préféré une politique violente et de recul démocratique. Gilets jaunes, travailleurs et syndicats contre la réforme des retraites, militants écologiques… Tous ont subi la violence de l’Etat et la répression policière.

Par sa politique autoritaire, ses attaques incessantes contre les syndicats et la gauche radicale et la légitimation du programme du RN — notamment avec la loi immigration défendue par le gouvernement macroniste fin 2023, que Marine Le Pen a décrit comme une « victoire idéologique » —, la stratégie de Macron a clairement été de hisser le RN comme seul adversaire. Et aujourd’hui, c’est cette extrême droite qui est aux portes du pouvoir.

Le système à deux tours en France

Contrairement au système d’élection proportionnelle belge, dans lequel les députés obtiennent leur siège proportionnellement au nombre de voix recueillies par chaque liste, les élections législatives en France fonctionnent au scrutin majoritaire.

Un candidat est élu au premier tour s'il recueille plus de 50 % des votes. Si aucun candidat n'atteint ce seuil, un second tour est organisé entre les deux candidats arrivés en tête et ceux ayant obtenu plus de 12,5 % des voix. Est élu à ce second tour le candidat qui recueille le plus de voix. 

Peu de candidats arrivent à obtenir d’office plus de 50 % des votes, c’est pourquoi deux tours sont prévus ces 30 juin et 7 juillet.

Trois scénarios sont possibles après le second tour : soit le RN, soit le Nouveau Front Populaire, obtient une majorité absolue, aucun sondage ne montrant le camp d’Emmanuel Macron capable d’y arriver. Le gagnant pourra alors former un gouvernement. Troisième scénario, aucune majorité ne se dégage et aucun camp ne serait capable de former un gouvernement en mesure de faire voter des lois.

Le visage patronal de l’extrême droite

La colère contre la politique menée par Macron et les autres partis traditionnels depuis des années est captée par le RN de Marine Le Pen et Jordan Bardella qui affirme défendre, lui, les intérêts des gens ordinaires.

Mais le RN n’est pas la solution. Alors que les gens ne s’en sortent plus, le RN a voté contre le blocage des prix sur le caddie, contre le gel des loyers, contre de meilleurs salaires. Maintenant que le RN arrive peut-être au gouvernement, ils sont déjà en train d’enterrer leur promesse de revenir sur la réforme des retraites. 

Comme le Vlaams Belang au Nord de notre pays, le RN est contre tout impôt sur la fortune et les grandes entreprises, demande aux gens de travailler plus longtemps et est fermement opposé à toute augmentation du salaire minimum

Car derrière cette démagogie sociale, le RN défend, dans les faits, l’agenda politique des plus riches, comme l’ont montré les derniers jours de la campagne au nom de « l’alternance raisonnable ».

Ainsi, comme le Vlaams Belang au Nord de notre pays, le RN est contre tout impôt sur la fortune et les grandes entreprises, demande aux gens de travailler plus longtemps et est fermement opposé à toute augmentation du salaire minimum. Des économistes ont analysé les conséquences du programme du RN : l'enrichissement des 10 % les plus riches, au détriment des 30 % les plus pauvres.

Comme le parti homologue italien d’extrême droite de Giorgia Meloni, au plus le parti de Marine Le Pen et Jordan Bardella se rapproche d’une partie des milieux patronaux, au plus il se rapproche du pouvoir. Il y a le soutien ouvert du milliardaire et propriétaire de médias (CNews, Europe 1, Canal+, JDD) Vincent Bolloré, qui fait penser à Silvio Berlusconi, milliardaire italien, magnat de presse et soutien de l’extrême droite. Mais le rapprochement est plus fondamental.

Selon un haut responsable de la finance, Jordan Bardella rencontre en secret les représentants du patronat depuis des mois. Jean-Philippe Tanguy, député et responsable économie du parti, a promis la continuité économique avec la politique de Macron : « Nous leur avons dit que le RN maintiendrait sa position sur les déficits et présenterait un plan crédible. Les marchés seront sévères à notre égard, nous n'avons donc pas d'autre choix que d'agir ainsi. »

Cette opération séduction s’est confirmée avec l’audition de Bardella par la principale organisation patronale française (MEDEF) ce 20 juin. D’un côté, il recule sur presque toutes les mesures sociales. De l’autre, il reprend dans son programme plusieurs cadeaux pour les multinationales, comme la baisse des impôts de production. Des mesures qui sont justement au cœur du projet de… Emmanuel Macron.

Dans un récent article du Financial Times, un dirigeant d’une entreprise du CAC 40 (parmi les 40 plus grandes entreprises cotées en Bourse) a d’ailleurs déclaré que : « Les politiques économiques du RN sont davantage une ardoise vierge que les entreprises pensent pouvoir pousser dans la bonne direction. Par contre, la gauche n'est pas susceptible d'atténuer sa ligne dure anticapitaliste. »

Ce qui fait dire à Chris Chavagneux, rédacteur en chef du magazine Alternatives Economiques : « D'après le Financial Times, le grand patronat français a fait son deuil de Macron et se rapproche du RN pour éviter le Nouveau Front Populaire. » 

Autre signe de cette évolution : en cas de second tour entre l’extrême droite et la gauche ce 7 juillet, les candidats macronistes refuseront de choisir entre les candidats de gauche et le RN, favorisant donc ce dernier.

Un alignement sur la politique de l’Union européenne et de l’OTAN 

Autre évolution à remarquer du RN pour se montrer présentable auprès des représentants de l’ordre établi, son alignement sur la politique d’austérité de l’Union européenne et même de la politique de guerre des États-Unis.

Sur les coupes dans les dépenses publiques exigées par la Commission européenne, le candidat premier ministre du RN Jordan Bardella a affirmé vouloir « revenir à la raison budgétaire », répété avoir conscience de la faible marge de manœuvre budgétaire et multiplié les pistes pour couper dans les services publics.

Le RN s’aligne aujourd’hui davantage sur la politique de l’OTAN. Dans son programme présidentiel de 2022, le parti défendait une politique impérialiste « indépendante » de la France (notamment contre l’Afrique) et revendiquait le retrait de la France du commandement de l’OTAN, proposant même un rapprochement militaire avec la Russie de Poutine et des oligarques. Ces deux points ont tout simplement été supprimés du programme.

Dans ce sens, le parti suit la même voie que Giorgia Meloni, première ministre d’extrême droite en Italie. David Bröder, spécialiste de l’extrême droite italienne, écrit : « L'expérience de Meloni au sein du gouvernement a montré [à l’establishment européen] que l’extrême droite peut effectivement trouver sa place dans le “jardin” de l’Union européenne et même en être l'un de ses plus ardents défenseurs. »

Il ajoute : « En l'absence d'un projet clair pour l'Union Européenne autre qu'un retour à l'austérité, incapable de tracer une voie indépendante en matière de politique étrangère, l'establishment européen trouve des moyens d'intégrer des morceaux de l’extrême droite, d'abord avec Meloni, puis, semble-t-il, avec le RN où il y aura encore des moments de conflit, avec la cohabitation possible entre Macron et un premier ministre d'extrême droite. Mais le cadre d’une opposition “libéraux pro-Union Européenne contre les populistes nationaux” est clairement de plus en plus dépassée. »

La résistance du Nouveau Front Populaire

Avec la convocation d’élections anticipées en moins de trois semaines, Emmanuel Macron a tenté de prendre de court la gauche et de rejouer un duel seul à seul face au Rassemblement national. Mais très vite, le mouvement social a amené à la formation d’un Nouveau Front Populaire composé des quatre principaux partis de gauche (France insoumise, Parti socialiste, Europe Ecologie Les Verts et Parti communiste) pour combattre Macron et faire barrage au RN.

Ce sursaut de la gauche avec la formation du Nouveau Front Populaire est aussi le résultat de la mobilisation de tous les gens à la base qui veulent bloquer l’extrême droite et veulent l’union de la gauche. Une mobilisation du monde syndical, culturel, associatif et de la jeunesse, comme le samedi 15 juin, pour laquelle la confédération syndicale de la CGT a dénombré 640 000 personnes au sein de 182 rassemblements en France, dont 250 000 à Paris. Puis encore le 23 juin, 75 000 manifestantes se sont mobilisées pour dénoncer le recul pour les droits des femmes qu’une victoire du RN représenterait.

Le conseil national de la CGT et sa secrétaire générale Sophie Binet a explicitement appelé tous ses adhérents à soutenir le Nouveau Front Populaire : « Nous disons que le RN est une imposture sociale, que ce sont des menteurs, a dit Sophie Binet. Le RN n'améliorera jamais la situation des travailleurs. »

« Nous pensons que c'est le programme du Nouveau Front Populaire qui répond le mieux à nos aspirations », donnant une consigne de vote inédite, la tradition syndicale française étant de ne pas prendre parti lors des élections.

Même si on peut ne pas être d’accord avec certains points de son programme commun, ni avec certaines de ses composantes qui fragilisent cette alliance, le Nouveau Front Populaire mérite un plein soutien pour offrir une alternative à la politique libérale de Macron et pour empêcher l’arrivée au pouvoir de l’extrême droite

Le Nouveau Front Populaire défend en effet un programme social et démocratique fort comprenant la suppression de l’allongement du départ à la pension, la réintroduction d’une taxe sur les grandes fortunes, l’augmentation des salaires, le refus des coupes dans les services publics exigées par l’Europe, l’opposition à la division et au racisme. 

Même si on peut ne pas être d’accord avec certains points de son programme commun, ni avec certaines de ses composantes (comme la présence de l’ancien président François Hollande) qui fragilisent cette alliance, le Nouveau Front Populaire mérite un plein soutien pour offrir une alternative à la politique libérale de Macron et pour empêcher l’arrivée au pouvoir de l’extrême droite. C'est un combat qui concerne toute l’Europe.