Diviser le salaire de Juncker par trois et autres mesures du PTB pour mettre fin à l’Europe du fric
Le PTB présente aujourd’hui son programme européen. Parmi les 175 propositions, on retrouve celle de diviser par trois le salaire du président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker. Le parti de gauche veut ainsi en finir avec les privilèges des eurocrates, qui sont ainsi plus proches des multinationales que des gens.
« Face au gouffre qui sépare aujourd’hui la Commission européenne des citoyens, le PTB propose des mesures ambitieuses et originales, explique Marc Botenga, tête de liste PTB aux élections européennes. Il faut notamment diviser par trois le salaire du président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker. » Les salaires des autres commissaires européens seraient adaptées en fonction. « Avec une rémunération globale dépassant les 32 000 euros par mois, Juncker, gagne en effet en un mois presque le double de ce que gagne un travailleur européen moyen, soit environ 17 000 euros brut par an », dénonce celui qui pourrait être le premier député européen de la gauche radicale belge.
Et de poursuivre : « Avec leurs salaires, les commissaires européens ne peuvent pas comprendre ce que vivent les travailleurs ou les pensionnés qui peinent à boucler le mois avec leur revenu. » Aujourd’hui, l’Union européenne compte en effet 10 % de travailleurs pauvres, contre 7 % il y a 10 ans.
Pour la séparation entre Big Business et Commission européenne
Le PTB propose en outre de bloquer les portes tournantes entre les institutions européennes et les multinationales. « Durant les sept années qui suivent la fin de son mandat, un commissaire ou un député européen ne pourra exercer un mandat important auprès d’une banque, d’une multinationale ou d’une société cotée en Bourse », précise Marc Botenga.
On a également récemment appris que plusieurs multinationales, dont Bayer (Monsanto), Uber ou encore Google, avaient offert un million d’euros aux partis traditionnels européens. « Le PTB veut interdire les contacts de lobbying non déclarés et le financement des partis politiques par les multinationales, déclare Marc Botenga. Il faut instaurer une séparation entre Big Business et les institutions européennes. »
« L’influence des multinationales sur les politiques de l’Union européenne est en partie basée sur un système de salaires mirobolants et de portes tournantes, un système de corruption indirecte et légale, poursuit le candidat de la gauche qui pique. » Les exemples ne manquent d’ailleurs pas, de l’ancien président de la Commission, José Manuel Barroso, passant chez Goldman Sachs à peine son mandat fini, au belge Karel De Gucht passé chez ArcelorMittal, en passant par le Commissaire au Climat, Miguel Arias Cañete, qui dirigeait… des entreprises pétrolières.
« Ce système des portes tournantes garantit que les hauts fonctionnaires européens viennent souvent du monde des multinationales ou des institutions financières et y retournent aisément après leur carrière politique, précise Marc Botenga. Il faut y mettre un terme, autrement, il est trop facile pour les multinationales de placer leurs hommes et femmes aux postes clés de décision politique. »
Les propositions piquantes du PTB pour mettre fin à l’Europe du fric :
- Nous divisons par deux les salaires plantureux des commissaires et des députés européens. Ce montant ne pourra dépasser un plafond fixé à 10.000 euros brut par mois. Les extras non transparents ou non justifiés seront abolis.
- Dans le cas du président de la Commission européen, Jean-Claude Juncker, l'établissement de ce plafond de 10 000 euros brut par mois signifie donc une division par trois de sa rémunération actuelle (environ 32 200 euros par mois)
- Nous mettons fin à la politique d’arrière-boutique. Les négociations et réunions du Conseil européen, de l’Eurogroupe, du Mécanisme européen de stabilité, de l’Ecofin, etc. doivent être rendues publiques, par retransmission directe en streaming, ainsi que sous forme de rapports publics officiels.
- Nous bloquons les portes tournantes entre les institutions et les grandes entreprises. Durant les sept années qui suivent la fin de son mandat, un commissaire ou un député européen ne pourra exercer un mandat important auprès d’une banque, d’une multinationale ou d’une société cotée en Bourse.
- Nous interdisons les contacts de lobbying non déclarés et voulons des registres de transparence obligatoires. Nous obligeons les parlementaires à signaler tous contacts de lobbying, y compris en dehors de l’enceinte du parlement.
Découvrez ici le programme complet du PTB pour les élections européennes.
Des salaires déconnectés de la réalité
En tant que président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker gagne 138 % du salaire brut du fonctionnaire du plus haut grade, soit 27 436 euros brut par mois. À ce montant s’ajoutent une série d’avantages qui feraient arriver le président de la Commission européenne à environ 32 200 euros par mois. Il faut en effet y ajouter entre autres les indemnités mensuelles de résidence – 15 % de son salaire de base, ce qui dépasse donc aisément les 4 000 euros mensuels – et une indemnité mensuelle pour frais de représentation – l’équivalent de 1 418 euros pour le président de la Commission. Au total, son paquet de rémunération annuel s’approche donc des 400 000 euro, les frais de déplacement et de déménagement étant également remboursés. Il gagne ainsi en un mois presque le double du salaire médian européen, qui est d’environ 17 000 euros par an.
À remarquer que le salaire de Juncker a augmenté de manière importante lors de la précédente législature. En 2014, le salaire de base Juncker n’était que de 25 554,58 euros par mois, soit 306 654,96 euros annuels, contre 329 232 euros aujourd’hui, soit une augmentation globale de plus de 7 %. La Commission européenne a justifié ces hausses par l’augmentation du coût de la vie. Un comble de cynisme pour une Commission qui veut voir disparaître l’indexation des salaires en Belgique.
Quelques exemples de portes tournantes
- Avant de devenir Commissaire européen au Climat, Miguel Arias Cañete dirigeait les entreprises pétrolières espagnoles Ducar et Petrologis Canarias. Le conflit d’intérêt est clair pour tous, sauf pour les institutions européennes.
- Le britannique Jonathan Hill a une carrière de lobbyiste derrière lui quand, en 2014, il devient Commissaire européen pour la stabilité financière et les marchés des capitaux. Après sa démission, suite au référendum sur le Brexit, il a reçu des places dans différentes entreprises avec un intérêt direct dans le processus politique européen, comme la banque suisse UBS, les assurances Aviva, ou le mégacabinet d’audit Deloitte.4 Après la crise bancaire, un poste sur trois au sein de la direction du Directorat-Général pour la stabilité financière a été occupée par des anciens ou futurs employés de l’industrie financière.5
- Le prédécesseur de Juncker, José Manuel Barroso, est parti chez Goldman Sachs, une banque impliquée dans la falsification des chiffres grecs pour rentrer dans l’Euro. Comme président de la Commission européenne, Barroso devait faire avancer l’Europe, mais tant les conséquences sociales de sa présidence que le poste auquel il a été parachuté après celle-ci posent clairement la question des intérêts qu’il a défendus durant son mandat.
- Le lendemain de la fin de la période tampon obligatoire de 18 mois, Karel De Gucht, ancien commissaire européen au Commerce, a rejoint ArcelorMittal. En tant que commissaire chargé du commerce, il a été le négociateur principal dans les négociations de libre-échange avec le Canada (CETA) et avec les États-Unis (TTIP). ArcelorMittal dépense entre 1,5 et 1,7 million d'euros par an pour faire pression sur les institutions européennes, et possède désormais un des meilleurs carnets d’adresse pour rentabiliser cet investissement.6
Des lois européennes écrites directement par et pour les multinationales
Les eurocrates de haut niveau que sont les commissaires invitent par ailleurs les multinationales en tant que parties prenantes ou comme experts dans des réunions et comités peu transparents. « Une manière de leur permettre de directement "faire les lois", condamne Marc Botenga. Différents rapports de la société civile montrent l’impact direct et dévastateur sur les politiques européennes. »
- En 2010, BusinessEurope, l’équivalent européen de la Fédération des entreprises de Belgique (FEB), publie son Plan d’action sur la durabilité budgétaire et la croissance.7 Les parallèles entre le Plan d’Action et les politiques d’austérité menées par la Commission européenne sont impressionnants : des salaires plus bas, moins de services publics, plus de partenariats privé-public, moins d’impôts pour les multinationales, réformer les pensions pour les diminuer.8
- Dans la préparation de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Japon, les fonctionnaires de la Commission européenne ont organisé 213 réunions à huis clos avec des groupes d’intérêts, dont 190 rencontres (89 %) avec des lobbies du Big Business contre zéro rencontres avec les petites et moyennes entreprises ou les syndicats.9 Les nouvelles discussions sur un accord commercial avec les États-Unis (TTIP) se sont passées à 90 % avec des lobbies.10 Résultat ? Les accords de libre-échange de l’Union européenne incorporent la coopération réglementaire avec des lobbies, ou encore les fameux tribunaux privés qui permettent aux multinationales de poursuivre en justice des États imposant des règles de sécurité alimentaire ou sanitaire trop strictes.
- En cinq ans, le budget de lobbying combiné des dix premières entreprises d'armement européennes a doublé, passant de 2,8 millions d'euros à 5,6 millions d'euros par an.11 Les nouveaux programmes d’investissements pour le secteur de l’armement, comme le Fonds européen pour la Défense, de 13 milliards, se révèlent une véritable aubaine pour les grandes multinationales. Elles incluent quasi textuellement une série des propositions du lobby ASD (Aerospace and Defence Industries Association of Europe).