Danger imminent en Europe : ne les laissons pas rétablir l’austérité
Les ministres européens négocient en cachette un retour à une des pires politiques européennes : l’austérité. Celle-là même qui mène à la destruction de nos services publics et de nos droits sociaux. Suspendue pendant la pandémie, l’Union européenne veut la réactiver. Mais les syndicats organisent la riposte.
Pendant le Covid, une série de règles européennes ont été suspendues. Parmi ces règles, celles qui imposent l’austérité budgétaire aux États via ce qu’on appelle le « Pacte de Stabilité et de Croissance ». Au nom de la lutte contre le déficit et la dette, ces règles poussent les gouvernements à couper dans les services publics et les droits sociaux. Cela s’appelle l’austérité.
Des chemins de fer sous-financés, des hôpitaux et crèches en crise, des écoles en manque de moyens... Ce sont les conséquences terribles d’années d’austérité. L’objectif réel de cette politique est la privatisation de tous les services publics.
Ces règles avaient créé un désastre social et une résistance populaire du Portugal à la Grèce. Le Covid a cruellement illustré à quel point l’austérité était une erreur gigantesque. À l’arrivée de la pandémie, après des années d’austérité, les hôpitaux à travers l’Europe manquaient de moyens, de matériel et de personnel.
Pourtant, les dirigeants européens ne semblent pas avoir appris la leçon. Aujourd’hui, en plein milieu d’une grave crise sociale, les gouvernements européens négocient dans le plus grand secret le retour de l’austérité. Ensemble, ils sont en fait en train de créer un carcan européen antidémocratique qui s’imposerait à tous les gouvernements pour les années à venir.
Un carcan qu’ils veulent décider encore vite avant les élections européennes de juin 2024, et qui cadenasserait toute politique sociale et économique pour les années à venir. Tous les gouvernements – y compris le gouvernement belge – sont activement impliqués. Au Parlement européen, les partis traditionnels veulent faire passer la réforme en catimini.
L’austérité 2.0 : pire qu’avant ?
La Commission européenne prétend que les nouvelles règles seront plus flexibles que les anciennes. En réalité, l’Union européenne donnera surtout le choix aux gouvernements de choisir entre la peste et le choléra.
Un pays aura certes le choix de reporter certaines coupes budgétaires, mais à condition d’appliquer des réformes antisociales, comme une nouvelle augmentation de l’âge de la pension, la libéralisation du marché du travail, voire la suppression de l’indexation des salaires.
En réalité, l’impact des nouvelles règles serait terrible. Selon des estimations, l’impact pour la Belgique serait particulièrement dur. Si, avant, l’Union européenne demandait à la Belgique des coupes de 3,5 milliards d’euros par an, aujourd’hui, ce serait presque 6 milliards.
Une proposition mise sur la table après des négociations entre les ministres des Finances français, Bruno Le Maire, et allemand, Christian Lindner, pourrait encore aggraver les choses.
Aujourd’hui, un État peut répondre de deux façons à un ordre européen. Pour lutter contre le déficit budgétaire, il peut soit augmenter ses revenus, par exemple en établissant une taxe des millionnaires, soit couper dans les dépenses publiques.
En pratique, la Commission européenne et les gouvernements préfèrent généralement couper dans des dépenses, casser les services publics, plutôt que de toucher aux intérêts des milliardaires et des grandes multinationales. C’est pourquoi la nouvelle proposition sur la table pourrait carrément obliger l’État à couper dans leurs dépenses nettes et interdire d’aller chercher l’argent via une fiscalité équitable. Plus aucun autre choix ne serait même possible. Ce serait une attaque renforcée contre tous les services publics.
La résistance face à un danger imminent
Le processus bat son plein. La Commission européenne a fait une première proposition. De leur côté, les gouvernements européens pourraient se mettre d’accord le 23 novembre, à la prochaine réunion des ministres européens des Finances. Le Parlement européen votera sur les textes début décembre. Ensuite, les trois institutions européennes se mettront d’accord entre eux.
C’est donc maintenant le moment de se mobiliser pour dire non à l’austérité. Les syndicats européens ont bien compris le danger et sont mobilisés. La Confédération européenne des syndicats parle d’une « austérité 2.0 » et a appelé à une grande manifestation européenne le 12 décembre à Bruxelles.
Les syndicats demandent que l’Europe tire toutes les leçons du passé et ne réactive pas l’austérité. Nous avons besoin d’investissements massifs dans la transition climatique, dans les services publics, pour le pouvoir d’achat.
Nous pouvons gagner. Le gouvernement espagnol, qui a actuellement la présidence du Conseil de l’Union européenne, semble divisé. Ainsi, la ministre socialiste de l’Économie Nadia Calviño Santamaría essaie de toutes ses forces d’arriver à un accord afin de réactiver le Pacte de stabilité. Mais la ministre du Travail Yolanda Diaz, soutenue par une coalition de gauche authentique, a dénoncé un tel retour à l’austérité au Parlement espagnol. En Belgique aussi, il est possible de mettre le gouvernement sous pression et de l’empêcher de soutenir ce projet.