COP29 : Pour sauver le climat, investissons dans la solidarité internationale, pas la guerre
Le changement et les catastrophes climatiques s’intensifient, touchant particulièrement les pays du Sud mais affectant également l’Europe. Seuls des investissements massifs et la solidarité internationale peuvent apporter une réponse à la crise climatique. La logique de guerre froide dans laquelle veulent nous entraîner Donald Trump et les États-Unis nous mène droit dans le mur. L’Europe doit choisir sa propre voie.
BELGA
L’un des principaux enjeux de la conférence de Bakou de 2024 (COP29) sur les changements climatiques qui s’est terminée ce 22 novembre était de définir un nouvel objectif mondial de financement de la lutte contre le réchauffement climatique. Ce fond est destiné à soutenir les pays en développement à financer des projets visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre (atténuation), à renforcer leur capacité à faire face aux conséquences du changement climatique tels que les inondations ou les sécheresses (adaptation), à indemniser les dommages déjà causés par des catastrophes climatiques (pertes et préjudices).
Le prix de l’inaction
Ce fond est urgent et absolument nécessaire. Le dernier rapport de l’ONU “No more hot air … please!” (« Arrêtons les paroles en l’air qui brûlent notre avenir s’il vous plaît ! ») indique que les émissions mondiales de gaz à effet de serre ont atteint un nouveau record en 2023. Nous nous dirigeons actuellement vers un réchauffement de 3,1 degrés. Un scénario insoutenable.
Le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez a rappelé dans son discours au sommet climatique les inondations à Valence, qui ont coûté la vie à plus de 220 personnes : « La science nous avertit depuis longtemps de cette terrible vérité que nous continuons à ignorer : le changement climatique tue. Une seule chose est aussi importante que d’aider les victimes de cette tragédie : faire en sorte que cela ne se reproduise plus. »
Le changement climatique a un impact sur les récoltes agricoles, ce qui entraîne une hausse des prix.
Les pays les plus fortement touchés sont les pays du Sud global. En septembre, des précipitations anormalement élevées ont provoqué des inondations en Afrique de l’ouest et du centre, faisant 3,5 millions de sinistrés et 900 morts de la Guinée au Tchad. Le représentant du « groupe des pays les moins avancés » Evan Njewa a rappelé lors de ce sommet que ces pays sont en première ligne de la crise climatique malgré leur contribution minimale aux émissions mondiales de gaz à effet de serre : cette année, nous avons ressenti une aggravation des impacts du changement climatique, dévastant nombre de nos pays et de nos communautés. […] Une action urgente est désespérément nécessaire, et l'action climatique exige un financement climatique. »
Le changement climatique a également un impact de plus en plus important sur tous les aspects de nos sociétés. C’est par exemple le cas sur les récoltes agricoles à l'échelle mondiale. Des cultures essentielles comme les céréales et les légumes sont de plus en plus souvent exposées à des vagues de chaleur exceptionnelle, à des changements dans les régimes de précipitations et à des phénomènes météorologiques extrêmes. La perturbation des récoltes agricole entraîne une hausse des prix.
Des engagements non respectés
Lors du sommet climatique à Copenhague en 2009, les pays développés se sont engagés à mobiliser 100 milliards de dollars par an d’ici 2020 pour les pays du Sud global pour les aider à faire face au changement climatique, conformément au « principe de responsabilités communes mais différenciées ».
Ce principe a été établi lors de la Conférence des Nations Unies à Rio, au Brésil, en 1992. Il signifie que tous les pays doivent agir face au changement climatique, mais que certains pays portent une plus grande responsabilité que d’autres. Les principaux gaz à effet de serre restent en effet dans l’atmosphère pendant une très longue période. C’est pourquoi nous parlons d’émissions « historiques » des gaz à effet de serre. Les États européens et les États-Unis ont utilisé massivement des énergies polluantes (charbon, pétrole) pour se développer, conquérir le monde et s’enrichir avec la (néo)colonisation. Les pays en développement n’ont pas émis beaucoup d’émissions de gaz à effet de serre, mais sont les plus durement touchés par les conséquences de la crise climatique.
Encore aujourd’hui, si nous prenons en compte les émissions émises entre 1850 et 2022, les États-Unis arrivent largement en tête des émetteurs d’émissions de gaz à effet de serre, suivi en second par l’Union européenne.La Chine a aujourd’hui atteint le niveau de l’Europe, mais compte plus de trois fois son nombre d’habitants.
Entre 1850 et 2022, les États-Unis arrivent largement en tête des émetteurs d’émissions de gaz à effet de serre, suivis par l’Union européenne.
Selon le principe de responsabilités communes mais différenciées, le sommet de Copenhague a fixé le montant de 100 milliards de dollars par an que devaient mobiliser les États-Unis, l’Union européenne, le Japon, le Canada et l’Australie pour les pays du Sud global. Cet engagement n’a cependant pas été tenu, ni en 2020, ni en 2021. En 2022, les contributions ont atteint l’objectif mais ces chiffres ont été gonflés, en reprenant par exemple des montants déjà comptabilisés par ailleurs en tant qu’aide au développement.
Jusqu'à présent, la majorité des flux financiers vers les pays du Sud se composent par ailleurs principalement de financements privés et de prêts, accentuant leur endettement, au lieu d'être constituée de financements publics et de dons. Ces fonds sont parfois également conditionnés à l’obligation de travailler avec des entreprises originaires du pays donateur…
La logique de guerre froide contre le climat
Les pays en développement, qui comptent 80 % de la population mondiale, insistent sur la nécessité urgente d'accroître le soutien financier pour l'atténuation, l'adaptation, ainsi que pour faire face aux pertes et préjudices. Ils rappellent également l'importance du principe des responsabilités communes mais différenciées, soulignant que sans cette aide, il ne sera pas possible de faire progresser la réduction des émissions et l’adaptation aux changement climatique des pays en développement.
Pour répondre aux besoins face au changement climatique des pays en voie de développement, ce sont à présent 1 000 milliards de dollars par an qui sont nécessaires. Une somme que refusent de débourser les pays développés. Pourtant, comme le précise le secrétaire des Nations Unies pour le climat, Simon Stiell : « Si au moins deux tiers des pays n’ont pas les moyens de réduire rapidement leurs émissions, chaque nation en paiera le prix fort. Si les nations ne parviennent pas à renforcer la résilience des chaînes d'approvisionnement, l'ensemble de l'économie mondiale sera paralysée. Aucun pays n'est à l'abri. Abandonnons donc l’idée que le financement climatique est une question de charité. Un nouvel objectif est dans l’intérêt de tous les pays, y compris les plus grands et les plus riches. »
Les États-Unis, pourtant le plus important émetteur de CO2 par habitant dans le monde et premier producteur de gaz et de pétrole mondial, n’ont jamais tenu leurs engagements en matière de soutien financier. Leurs dépenses militaires ont par contre atteint 916 milliards de dollars en 2023, soit presque autant que la somme nécessaire pour pouvoir face au changement climatique… Le nouveau président Donald Trump n’a pas l’intention de changer de cap : il a au contraire déjà annoncé qu’il voulait se retirer des accords climatiques internationaux et encore renforcer l’extraction de pétrole et de gaz.
Si nous voulons sauver la planète, il est nécessaire de renforcer la solidarité internationale au niveau financier et technologique, et de respecter les accords climatiques.
Ces dernières années, les pays européens se sont laissés entraîner dans une logique de guerre froide, Washington apparaissant comme le chef de file d'un bloc pro-occidental dirigé contre la Chine et, par extension, contre tous les pays émergents du Sud global. Les États européens membres de l'Otan dépenseront à eux seuls 483 milliards de dollars pour la Défense en 2024, soit 100 milliards de dollars de plus qu'il y a quelques années. Mais la logique de guerre froide, les dépenses militaires supplémentaires, les mesures protectionnistes et l'hostilité grandissante dans le monde menacent toute solution pour le climat. Si nous voulons sauver la planète, il est nécessaire de renforcer la solidarité internationale au niveau financier et technologique, et de respecter les accords climatiques.
Dans leurs discours au sommet de Bakou, le président du Conseil européen Charles Michel et le nouveau commissaire européen chargé du climat Wopke Hoekstra exigent que la Chine contribue également au fond climatique. Ils parlent de « condition préalable » pour augmenter leur propre contribution. « L'Europe n'est responsable que de 6 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre », a également ajouté Wopke Hoekstra. Parler de « condition préalable » est mal accueilli dans le reste du monde. L’époque où les dirigeants européens dictaient leurs conditions au monde est révolu. Le fait que l’Europe ne serait responsable que de 6 % des émissions est également malhonnête, puisqu’il ne tient pas compte des émissions historiques de gaz à effet de serre, ni du fait qu’une partie de la production – et donc du gaz à effet de serre émis pendant le processus de production – en Chine est destinée aux marchés occidentaux.
L’Europe doit choisir sa propre voie
Le retour de Trump oblige l'Europe à repenser sa position dans le monde. L’Europe va-t-elle suivre ce modèle de « America First » et la logique de guerre froide ? Va-t-elle continuer à appliquer une austérité aveugle d’un côté et augmenter ses dépenses militaires de l’autre ? Dans ce scénario, le seul avenir de l'Europe est celui d'un sous-fifre des États-Unis, tant sur le plan économique que géopolitique.
« Le langage de la guerre froide ne nous mènera nulle part – du moins où l’on veuille aller… Les grandes économies ont la responsabilité de respecter les petites. Et de les traiter sur un pied d’égalité. Les grands pays devraient être les premiers à fonder leurs relations internationales sur le dialogue et le partenariat. Et non sur la confrontation et les alliances opportunistes. Ce n’est pas en construisant de nouveaux murs mais en travaillant ensemble que nous pouvons relever les défis de ce monde. Heureusement, face aux politiques sans issues des grandes puissances, de plus en plus de forces sociales et politiques en sont convaincues », écrit le secrétaire général du PTB Peter Mertens dans son livre Mutinerie : Comment le monde bascule.
Ce n’est pas en construisant de nouveaux murs mais en travaillant ensemble que nous pouvons relever les défis de ce monde. Heureusement, face aux politiques sans issues des grandes puissances, de plus en plus de forces sociales et politiques en sont convaincues.
Secrétaire général
Il existe un autre chemin, différent de celui que tracent jusqu’ici les gouvernements européens et la Commission européenne. L’Europe doit emprunter une voie ambitieuse et indépendante, fondée sur des investissements publics dans l’énergie, la recherche et développement, l’isolation des logements, et les transports en commun. Ce socle est indispensable pour construire une politique climatique, sociale et industrielle cohérente en Europe. Et cette voie doit également être fondée sur la solidarité et la coopération avec le Sud global, en matière de financement, de partage des technologies et d’accès aux matières premières, pour répondre efficacement à la crise climatique.
Ce n’est pas aux travailleurs de payer. Les géants du pétrole réalisent des centaines de milliards de profits chaque année. Au lieu de gaspiller ces profits en dividendes, ils doivent être mobilisés pour construire l’industrie de demain et la transition climatique.