COP 28 : stoppons les géants du pétrole
La planète d’abord, pas le profit. Stop aux géants du pétrole ! C’est avec ce mot d’ordre que nous appelons à rallier la marche nationale pour le climat de ce 3 décembre à Bruxelles. Si nous voulons une planète vivable, de l’énergie verte et bon marché, il faut d’urgence reprendre notre énergie des mains des géants du gaz et du pétrole. Faire primer nos besoins collectifs sur leur soif de profit. Développer rapidement les énergies renouvelables et ne pas laisser les TotalEnergies et Shell de ce monde continuer à investir massivement dans les énergies polluantes et chères.
Du 30 novembre au 12 décembre, Dubaï accueille la COP 28, le prochain sommet mondial sur le climat. C’est l'occasion d'évaluer les actions entreprises depuis l'accord de Paris en 2015 (un accord visant à limiter le réchauffement climatique entre 1,5 et 2 degrés d'ici 2100).
L’un des principaux enjeux est la sortie des énergies fossiles : pétrole, gaz et charbon. Au niveau européen, leur utilisation est responsable de trois quart des émissions de gaz à effet de serre. Selon l'Agence Internationale de l'Énergie, atteindre les objectifs climatiques mondiaux nécessite l'arrêt immédiat de tout nouvel investissement dans ces énergies.
Cependant, les géants pétroliers continuent de développer de nombreux nouveaux projets d'exploitation. Au lieu de s’arrêter, les investissements augmentent. Les pays historiquement responsables des émissions de gaz à effet de serre refusent également d'assumer des efforts substantiels. Les États-Unis envisagent même d'augmenter leur production fossile, tandis qu'en Europe, les investissements dans les énergies renouvelables sont remis en question et les terminaux de gaz se multiplient.
Persister dans cette trajectoire entraînera un réchauffement climatique incontrôlable. L'urgence est de rompre avec les politiques favorables à une poignée de géants pétroliers et à leurs actionnaires.
Sortir des énergies fossiles ? Big Oil a d’autres plans
Les cinq plus grandes entreprises européennes et américaines du secteur, surnommées les big oil, se nomment TotalEnergies, Shell, BP, Chevron et ExxonMobil. Ce sont les grandes gagnantes de la crise énergétique. Après l’explosion des prix du gaz et du pétrole, ces cinq entreprises ont réalisé 200 milliards de profits en 2022, établissant ainsi leur record historique de bénéfices sur plus d’un siècle.
De l’argent qui sera réinvesti dans l’énergie renouvelable? Pas du tout. L’Agence Internationale de l’Énergie estime que 95 % des investissements des entreprises gazières et pétrolières vont vers les énergies fossiles, contre 5 % pour les énergies renouvelables. A l’échelle européenne, Greenpeace a calculé que les douze plus grandes entreprises du secteur réalisent 93 % de leurs investissements dans les énergies fossiles, contre à peine 7 % pour le renouvelable.
Pourquoi ce choix? car leur boussole est le profit immédiat. Et ce sont les patrons du secteur qui l’expliquent le mieux. Celui de TotalEnergies, Patrick Pouyanné : « Ce dont les actionnaires veulent avant tout s’assurer… c’est de la durabilité de nos dividendes. » « Ou celui de Shell, Wael Sawan : « Permettez-moi d'être… catégorique. Nous nous efforçons d'obtenir des rendements élevés dans toutes nos activités. Nos actionnaires méritent de nous voir rechercher des rendements élevés. Si nous ne parvenons pas à obtenir des rendements à deux chiffres dans une activité, nous devons absolument nous interroger sur l'opportunité de poursuivre cette activité. Nous voulons continuer à limiter les émissions de carbone, mais cela doit être rentable. »
Or, la crise de l’énergie a rendu le pétrole, et surtout le gaz, très rentables puisque leur prix a grimpé, tandis que les coûts d’exploitation restaient les mêmes. Les taux de profits sont maintenant deux à trois fois plus élevés dans le gaz et le pétrole (autour de 15 à 20 % des sommes investies) que dans le renouvelable (autour de 8%). Laisser de tels profits potentiels sous le sol, il n’en est pas question pour ces géants et leurs actionnaires, quelles que soient les conséquences à long terme.
Les géants américains, Chevron et ExxonMobil, avaient déjà annoncé la couleur en se refusant à avancer toute date de sortie de l’exploitation des énergies fossiles. Ils ont été rejoints par leurs concurrents européens qui reportent, réduisent ou annulent leurs investissements dans les énergies renouvelables et relancent leurs investissements pétroliers et gaziers. BP a réduit de moitié ses prévisions de baisses d’émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030, tandis que Shell et BP prévoient de continuer à investir dans l’exploitation de gaz au-delà de 2050. À la grande joie de leurs actionnaires, puisque ces annonces ont chaque fois été suivies d’une montée du cours de bourse des multinationales.
Des géants du gaz et du pétrole qui continuent à nous conduire à la catastrophe climatique tout en nous inondant de greenwashing, puisque 60 % de leurs investissements publicitaires vont vers la promotion de leurs maigres investissements verts…
Les États-Unis : champions de la production de pétrole et de gaz de schiste
Un autre enjeu de la COP 28 est celui des « responsabilités différenciées », c’est-à-dire le fait que les pays du Nord ont une responsabilité historique plus importante que les pays du Sud dans le réchauffement climatique. Ainsi, 23 pays sont responsables de la moitié des gaz à effet de serre envoyés dans l’atmosphère depuis 170 ans. Les États-Unis représentent à eux seuls 25 % des émissions historiques mondiales. Selon le principe de responsabilité différenciées, ces pays historiquement responsables devraient assumer une plus grande part de l’effort.
Mais les États-Unis ont d’autres plans. Grâce au développement de la production de gaz et de pétrole de schiste, ils sont devenus le premier producteur mondial de ces deux énergies fossiles, ainsi que le premier exportateur mondial de gaz et le troisième de pétrole. Or, ces techniques d’exploitation sont très polluantes, puisqu’elles impliquent d’injecter des produits chimiques dans le sol, de fracturer la roche, ce qui libère du gaz de façon incontrôlée, pollue les nappes phréatiques et provoque des séismes. Ce sont aussi des techniques d’exploitation plus chères que les méthodes traditionnelles. C’est pourquoi les producteurs américains peinaient à trouver des acheteurs dans le monde avant la crise de l’énergie de 2021.
Mais depuis, tout a changé. À la suite de la guerre en Ukraine et des sanctions sur le gaz et le pétrole russe – que les autorités États-uniennes ont appuyé autant que possible – les hydrocarbures américains sont devenus beaucoup plus attractifs. En particulier pour l’Europe, qui cherche à remplacer au plus vite son gaz russe. En deux ans, les États-Unis sont devenus le premier fournisseur de gaz de l’Europe. Les géants industriels actifs en Europe, comme BASF ou ArcelorMittal, signent des contrats d’approvisionnement pour plusieurs décennies avec les producteurs américains de gaz.
Alors, pourquoi ne pas essayer d’en tirer un profit maximum? L’Agence américaine d'information sur l’énergie prévoit que la production de pétrole du pays se maintiendra à son niveau actuel jusqu’en 2050 au moins, tandis que la production de gaz continuera à augmenter. Avec comme objectif de la vendre dans le monde entier. Les capacités américaines d’exportation de gaz (de schiste) liquéfié devraient doubler d’ici 2026 et tripler d’ici 2030.
Les États-Unis tirent profit de l’isolement de la Russie et du contexte de nouvelle guerre froide pour inonder le monde avec leur gaz polluant, en visant l’Europe en premier lieu. Ainsi, le président Joe Biden est sur le point de donner le feu vert à la construction de l’un des plus grands terminaux de gaz du monde. Cette plate-forme située en Louisiane sera destinée principalement à l’exportation vers l’Europe.
En Europe : la confiance aveugle au marché
En Europe, que ce soit pour ne plus dépendre du gaz et du pétrole importé et de leur prix ou pour être à la hauteur des engagements climatiques, l’urgence est de développer les énergies renouvelables.
Le défi est grand : il s’agit non seulement de produire de l’électricité verte pour remplacer les centrales fonctionnant au gaz, produire plus d’électricité pour répondre aux nouveaux besoins dans le transport ou pour le chauffage. Mais aussi pour combler les besoins de l’industrie. La sidérurgie ou la chimie ont besoin d’énergie dans le processus de production et font aujourd’hui partie des plus gros émetteurs de gaz à effet de serre. Il est possible de transformer leur production pour la rendre durable, mais cela exige une grande quantité d’énergie verte. L’agence internationale de l’Énergie estime qu’il faudrait tripler le rythme actuel des investissements dans les énergies renouvelables à l’échelle européenne.
Pour mener à bien cette transition, la stratégie européenne et des États membres est de miser sur le marché et de subsidier les géants privés de l’énergie avec de l’argent public en espérant qu’ils investissent suffisamment dans l’énergie verte.
Mais c’est l’inverse qui se produit aujourd’hui. Alors que les investissements dans le gaz et le pétrole sont redevenus très rentables, les coûts d’investissement dans l’énergie renouvelable ont été gonflés par la montée du prix des matières premières et la remontée des taux d’intérêts. Avec un résultat immédiat : le lobby industriel privé du secteur de l’énergie éolienne en Europe, Wind Europe, signale que les commandes de nouvelles éoliennes ont chuté de 47 % en 2022 et que les investissements ont baissé de 24 milliards d’euros. Au point de mettre les grands producteurs industriels européens d’éoliennes en grande difficulté, faute de commandes. Pendant ce temps, les projets de terminaux gaziers, subsidiés publiquement, qui visent à importer toujours plus de gaz de schiste américain, se multiplient dans les ports européens. Pire, les subsides publics plus généreux aux États-Unis et les coûts élevés de l’énergie en Europe tirent les investissements industriels dans les batteries, l’éolien ou le solaire de l’autre côté de l’Atlantique.
En réponse, la ministre fédérale de l’Énergie Tinne Van der Straeten, comme ses homologues européens, propose d’augmenter les subsides publics aux investissements privés dans les parcs éoliens. En relevant le prix de rachat garanti de l’électricité qu’ils produiront : si les cours de l’électricité sur les marchés descendent sous ce seuil, c’est l’État qui prendra la différence en charge. Ce prix plancher garanti, qui assurera un taux de rentabilité minimum pour les investisseurs privés, sera financé par une contribution qui se retrouvera sur la facture d’énergie des travailleurs et de leur famille.
Faisons le Switch et la coopération internationale
« On ne pas confier les clefs du poulailler au renard. » Si on veut réussir à sortir des énergies fossiles, permettre aux gens de se déplacer et de se chauffer, permettre aux usines de tourner, il y a une urgence : mettre les big oil, les géants privés du secteur du gaz et du pétrole, hors jeu. Et reprendre en main notre énergie.
Cela veut dire planifier de manière démocratique notre sortie des énergies fossiles, pour que ce ne soit pas les profits à court terme ou les aléas des marchés qui déterminent les choix et le rythme des investissements mais nos besoins collectifs. C’est aussi investir publiquement dans la production d’énergie renouvelable et créer une entreprise publique qui contrôle et distribue cette énergie et en détermine le prix de vente. Pour que les énergies renouvelables ne deviennent pas les sources de profit de demain des géants privés de l’énergie. C’est la logique de notre « switch » : investir publiquement dans l’énergie, mais aussi dans l’isolation des bâtiments et dans les transports publics, pour réduire notre consommation d’énergie et produire suffisamment d’énergie verte, sans faire payer les travailleurs et leur famille.
Une planification publique de la transformation de notre énergie qui vise à renforcer la coopération internationale. Cela veut dire que les pollueurs historiques doivent assumer leur part juste de l’effort climatique. C’est aussi rompre avec la course aux subsides publics, qui permet aux multinationales de faire leur marché, leur laisse la main sur les technologies du futur et les laisse décider où et dans quoi ils investissent. Si on veut relever le défi climatique mondial, l’un des plus grands auxquels l’humanité a été confrontée, cela passera par un partage des connaissances et par la coopération internationale et l’aide aux pays du Sud.
La planète d’abord, pas le profit. Stop aux géants du pétrole ! Les travailleurs européens et du monde entier ont tout à gagner : de l’énergie plus verte et moins chère, une planète vivable, du travail pour développer, produire et installer les technologies qui nous permettront de nous passer des énergies fossiles.
Marchons pour notre futur le 3 décembre Bruxelles !
Nous nous joignons aux organisations membres de la Coalition Climat le dimanche 3 décembre à 13 devant la Gare du Nord à Bruxelles pour demander des mesures concrètes aux décideurs politiques. Parce que chaque dixième de degré compte !