Comment Big Pharma s’arrange pour payer moins d’1 % d’impôts (et quand même vendre ses médicaments à prix d’or)
« Un régime fiscal taillé sur mesure pour Big Pharma permet à des multinationales telles que Janssen Pharmaceutica et GlaxoSmithKline Biologicals (GSK) de payer moins d'1 % d'impôts dans notre pays, dénonce Sofie Merckx, députée fédérale du PTB. Pour ces seules deux entreprises, l'État a déjà perdu 487 millions d'euros. » C’est en effet ce que montre une étude menée par le parti de gauche. « L'industrie pharmaceutique bénéficie d'aides publiques à chaque étape de la recherche et du développement de médicaments. C'est une raison supplémentaire de mettre d'urgence un terme à ces prix exorbitants pour des médicaments. »
Le Top-50 des ristournes fiscales, l’étude annuelle du PTB sortie au mois d’octobre sur les entreprises championnes de l’évitement fiscal, comprenait notamment un certain nombre d’entreprises pharmaceutiques. Le parti de gauche a donc analysé plus en détail les mesures fiscales dont bénéficient ces firmes. « Nous sommes tombés sur un tas de cadeaux fiscaux et de mesures taillées sur mesure pour Big Pharma, explique Sofie Merckx. Cette situation a d'ailleurs récemment amené le Bureau fédéral du Plan à proclamer la Belgique comme le pays le plus généreux de l'OCDE en matière de soutien public à la recherche et au développement de médicaments, sans pour autant que les résultats soient très concluants. »
La niche fiscale la plus notable est celle de la « déduction pour revenus de brevets », grâce à laquelle 80 % des revenus issus des brevets sont exonérés d'impôts. « En ne tenant compte que des entreprises Janssen Pharmaceutica et GSK, cette mesure fiscale a privé les caisses de l'État fédéral de 487 millions d'euros de revenus l'année dernière, poursuit Sofie Merckx. Et cette mesure ne coûte pas seulement des tonnes d'argent, elle est aussi complètement inefficace. Elle avait pour objectif d’inciter des entreprises à investir elles-mêmes dans la recherche et le développement de médicaments, mais elle a l’effet contraire : les entreprises investissent proportionnellement de moins en moins. »
Mais ce n’est pas tout. Car, si ces cadeaux fiscaux sont taillés sur mesure, ce n’est pas un hasard : « C’est d'ailleurs Big Pharma qui se cache derrière la loi qui a donné naissance à cette "déduction pour revenus de brevets" en 2007. Cette loi a en effet été rédigée par le bureau d'avocats Linkslators, une mission pour laquelle il a été payé par… le géant pharmaceutique GSK, qui est aujourd'hui l'une des deux entreprises les plus favorisées par ce régime fiscal. »
L'étude du PTB montre comment Big Pharma passe plusieurs fois à la caisse (publique). Sofie Merckx : « Les entreprises pharmaceutiques bénéficient d'une aide publique à chaque étape de la recherche et du développement de médicaments : en aval, grâce à l'exonération fiscale sur les revenus générés, mais aussi en amont, par le biais de toute une série de mesures indirectes de soutien. Et, en fin de course, ces aimants à subventions imposent encore des prix mirobolants sur leurs médicaments, qui compromettent l’accès aux soins pour les patients et mettent fortement sous pression notre assurance maladie. »
Le PTB exige une révision fondamentale de ce régime fiscal avantageux, et la fin de cette forme de concurrence fiscale. Le parti de gauche demande également à la Ministre de la santé Maggie De Block de prendre immédiatement des mesures pour casser les prix des médicaments. « C'est possible en appliquant des "licences obligatoires", explique Sofie Merckx. Celles-ci permettent de briser le monopole d'une entreprise sur un médicament, quand cette dernière demande des prix complètement disproportionnés par rapport aux coûts de production réels. Avec cette étude, nous donnons davantage de poids à notre revendication. »
« Il ressort de notre étude qu'une part croissante des charges liées au développement des médicaments repose sur la collectivité, alors que les profits atterrissent intégralement dans les poches de Big Pharma, conclut Sofie Merckx. Nous ne pouvons plus l’accepter cela. À nos yeux, le développement des médicaments, ainsi que les profits qu'ils génères, doivent être dans les mains du public. C'est l'un des scénarios que le Centre fédéral d’expertise des soins de santé avait déjà esquissé en 2016, mais la proposition est restée lettre morte. Nous voulons la remettre à l'ordre du jour. »