« Ce système où les politiciens règlent leurs affaires entre eux, c’est fini » : la Belgique condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme
Cet après-midi, la Cour européenne des droits de l’homme a rendu un arrêt qui fait date. Elle a condamné l’État belge pour avoir violé le droit à un processus électoral équitable et le droit à un recours effectif.
C’est Germain Mugemangango, tête de liste à Charleroi aux élections régionales du 25 mai 2014 et aujourd’hui député wallon, qui a tiré la sonnette d’alarme, il y a six ans. Il a porté l’affaire devant la Cour de Strasbourg en raison de la manière partisane et inéquitable dont sa contestation du décompte du résultat des élections a été traitée.
La Cour européenne donne maintenant raison au PTB. Pour comprendre l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme, il faut remonter dans le temps. En 2014, lors des élections régionales, Germain Mugemangango n’a pas été élu à 14 voix près. Comme il y avait plus de 22 000 votes blancs et nuls dans sa circonscription, et que de nombreuses inégalités avaient été constatées, il a introduit une contestation devant le Parlement wallon. Une commission mise en place par le Parlement lui-même lui a donné raison dans un premier temps et a recommandé au Parlement de recompter les votes blancs. Toutefois, le lendemain, le Parlement a rejeté cette recommandation en séance plénière. En conséquence, il n’y a pas eu de recompte des bulletins sujets à caution et Germain Mugemangango a perdu toute possibilité d’être élu. S’il y avait eu un recompte, il est fort possible qu’il eût siégé au Parlement wallon cinq ans plus tôt.
Germain Mugemangango : « Si une élection est irrégulière, un citoyen non élu ne peut rien y faire. Dans notre pays, ce sont les parlementaires eux-mêmes qui règlent ces différends. Il y a six ans, j’avais contesté le résultat des élections, mais, à l’époque, cela avait été rejeté par le parlement nouvellement élu. Logique : les parlementaires n’avaient aucun intérêt à laisser le PTB avoir un élu supplémentaire, qui aurait pris la place d’un élu des partis traditionnels, et de la majorité en plus. Que ce soit à eux de se prononcer sur mon objection est insensé : ils sont alors juge et partie. Nous sommes donc très heureux que la Cour européenne condamne maintenant ce système inéquitable. »
Ivo Flachet, conseil de Germain Mugemangango : « Nous avons été devant la Cour européenne pour dénoncer le fait qu’en Belgique, les parlementaires, fédéraux et régionaux, sont à la fois juge et partie lorsqu’il s’agit d’approuver leur propre élection. Il n’existe pas, dans notre pays, d’organe impartial compétent pour les litiges électoraux. La Cour européenne des droits de l’homme déclare maintenant que le système belge viole l’article 3 du protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme, et l’article 13 de cette même Convention. Ceux qui ont pris la décision étaient eux-mêmes des parties intéressées dans l’affaire, ce qui n’est pas acceptable, selon la Cour. »
L’arrêt de la Cour européenne a des implications importantes pour le traitement des litiges post-électoraux. Le système belge est basé sur l’article 48 de la Constitution, qui stipule : « Chaque Chambre vérifie les pouvoirs de ses membres et juge les contestations qui s’élèvent à ce sujet. »
Le PTB appelle les autres partis politiques à procéder ensemble à une révision de la Constitution. Ivo Flachet : « Le système belge doit être mis en conformité avec cet arrêt. Une modification de l’article 48 de la Constitution s’impose. C’est nécessaire pour éviter des violations à l’avenir. Les litiges post-électoraux et les litiges dans la vérification des pouvoirs des parlementaires doivent être traités par une instance indépendante et impartiale, composée de personnes qui n’ont elles-mêmes aucun intérêt à la cause. Nous pensons à des citoyens, des spécialistes indépendants et sous la présidence d’un juge indépendant. Il faut mettre un terme au système dans lequel les hommes politiques règlent leurs affaires entre eux. Des parlementaires qui, par définition, ont un intérêt propre en la matière. »
Retrouvez ici l'arrêt de la Cour : https://hudoc.echr.coe.int/eng-press#%20