Ce qui se cache derrière « Chez Nous », nouveau parti d'extrême droite
Ce mercredi, un nouveau parti d’extrême droite tente d’organiser un meeting en région liégeoise. Ce meeting est soutenu par la présence annoncée de Tom Van Grieken, le président du Vlaams Belang et de Jordan Bardella, le président du Rassemblement national. Que veut ce nouveau parti ? Qui sont ses fondateurs ? Pourquoi sont-ils beaucoup plus proches des patrons que du peuple ? Et pourquoi ne résoudront-ils aucun de nos problèmes ? Damien Robert et Manu Nihon
« Chez Nous » rassemble des anciens du MR et du Parti Populaire (PP). Ce parti est dirigé par Jérôme Munier et Grégory Vanden Bruel. Ils étaient membres du PP, qui était dirigé par Mischaël Modrikamen, le châtelain proche des milieux capitalistes. Munier est encore plus à droite que Modrikamen. Après un passage au MR, où il a été candidat, il a rejoint le PP et a tenté, avec l’aide de l’avocat belge de Marine Le Pen, la fondatrice du Rassemblement National français, de liquider le PP pour le remplacer par un parti encore plus à droite. Les réunions pour organiser ce coup avaient lieu à Namur au café « Chez Nous ». Dans ce nouveau parti, on retrouve aussi l'ancienne députée MR Patricia Potigny.
Munier, dirigeant de « Chez Nous », quand il était encore au MR (à droite).
Munier, Vanden Bruel et Potigny n’ont pas choisi le camp du peuple. Munier a par exemple travaillé pour une société de gestion de patrimoine... Leur « Chez Nous », c'est celui des capitalistes, des grands patrons, de la division des travailleurs et du mensonge organisé.
Avec « Chez Nous », les grands patrons sont chez eux
Les travailleurs sont les grands absents du programme de « Chez Nous ». Par contre, les patrons sont chez eux. Le programme annonce qu’il faut baisser drastiquement le taux d’imposition des grands patrons. Au lieu de payer, théoriquement, 25 % sur l’impôt des entreprises, les milliardaire belges, patrons d’industrie, n’en payeraient plus que 22 %. L’invité d’honneur de la soirée, le président du Vlaams Belang, se sent probablement chez lui à « Chez Nous » car les baisses d’impôts pour les capitalistes, le Vlaams Belang connaît. Lorsque les députés européens ont du se positionner sur la mise sur pied d’une liste noire des États européens qui sont des paradis fiscaux et sur la mise sur pied d’un cadastre des impôts payés par les multinationales, qu’a voté le Vlaams Belang ? Contre.
Vous ne trouverez rien non plus sur les salaires des travailleurs dans le programme de « Chez Nous ». Le président du Vlaams Belang a voté pour le blocage des salaires au Parlement fédéral. Si aujourd’hui, les travailleurs de tout le pays doivent se contenter de miettes, c’est entre autres à cause de lui. La continuité avec le PP, l'ancien parti de Munier et Vanden Bruel, est aussi parlante. Ce parti a lui aussi défendu activement le blocage salarial.
Le co-fondateur de « Chez Nous » avec Gerolf Annemans, député européen et ancien président du Vlaams Belang
Le chômeur, par contre, est ciblé dans le programme de « Chez Nous ». Dans ce parti, les chômeurs vont se sentir tellement bien qu’ils accompliront « des travaux d’intérêt général afin d’embellir nos espaces de vie en les rétribuant sous forme de chèque-terroir ». Traduction ? Les chômeurs vont travailler pour de la monnaie de singe. Conséquences ? Du pain béni pour le patronat qui y trouvera de quoi faire travailler quasi gratuitement des centaines de milliers de personnes.
« Chez Nous » n'a donc rien d'un parti social. La ressemblance avec le PP est forte. Le PP non plus n'avait rien de social. Ce parti, qui se disait « populaire », a défendu la pension à 67 ans, le blocage des salaires et l'augmentation de la TVA à 23 %.
Avec « Chez Nous », les politiciens restent dans leur tour d’ivoire
Dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux, Jérôme Munier présente « Chez Nous » comme « un parti de travailleurs, pas de politiciens professionnels ». Il devra se mettre d’accord avec son copain Van Grieken. Ce dernier, début octobre de cette année, a défendu qu’il fallait des salaires élevés pour les politiciens « sinon il y aurait encore plus de corruption ». Il y a peu de chances que les fondateurs de « Chez Nous » le contredisent. Car dans tout le chapitre consacré à la « bonne gouvernance », on parle de limiter le nombre de mandats pour les politiciens. Mais pas leurs rémunérations.
Avec « Chez Nous », les travailleurs sont divisés et déforcés
Dans un entretien avec le député d’extrême droite allemand Gunnar Beck, Munier dit que « le peuple vote à droite et que c’est les migrants qui votent à gauche… ». Pour dire des âneries pareilles, Monsieur Munier ne connaît pas grand chose à la réalité des gens. En fait, Munier et Vanden Bruel, qui protègent les riches milliardaires et millionnaires belges, qui défendent l’existence d’une caste de politiciens, ne cessent de trouver une cible à tous les problèmes : l’immigré et l’islam. Pour « Chez Nous », ce ne sont pas les cadeaux aux grands patrons sous forme de baisse des cotisations qui sont le problème de la sécurité sociale. Pour « Chez Nous », le problème, c’est les immigrés.
Pour « Chez Nous », le problème de notre société, ce n’est pas la pauvreté et l’écart grandissant entre le peuple et une poignée de riches toujours plus riches. Non, le problème principal, c’est l’islam et l’immigration.
C’est logique. Dans la société en crise que nous connaissons, l’objectif de « Chez Nous » n’est pas de défendre les travailleurs. Si ils voulaient défendre les travailleurs, ils défendraient l’unité : l’unité des travailleurs, des chômeurs, des jeunes, des intellectuels, des petits indépendants contre les multimillionnaires et les milliardaires qui créent la misère. Mais ce n’est pas ce qu’ils font. Leur objectif, c’est de protéger ces millionnaires et ces milliardaires en divisant les travailleurs.
Pas de fascistes chez nous
Dans notre société en crise, les partis traditionnels sont décrédibilisés. C’est un phénomène politique profond, qui dépasse largement le cadre de la Wallonie ou de la Belgique. Dans toute l’Europe, les partis fascistes tentent de dévier la colère du peuple en l’orientant contre les immigrés. La Wallonie est la seule région, en Europe, où l’extrême droite n’arrive pas à s’organiser. C’est également une des régions où la crise des partis traditionnels est la plus forte. Et la Wallonie se trouvant en Belgique, elle a aussi la particularité de se situer dans un pays où une gauche marxiste, porteuse d’espoir pour les travailleurs, est en train d’émerger et de se structurer. Tous ces ingrédients font que l’extrême droite veut à tout prix s’installer en Wallonie. Et ce n'est pas parce qu'elle est inexistante aujourd'hui qu'elle le sera demain. Il vaut mieux rester vigilant. En Espagne, le parti d’extrême droite Vox a émergé en quelques années seulement. Dans notre pays, le Vlaams Belang est devenu le plus gros parti de Flandre et il y diffuse son poison de la division. L’émergence d’un parti d’extrême droite en Wallonie serait un très mauvais signal dans tout le pays. Ce serait un mauvais signal pour le nord du pays où la grande majorité de la population refuse le fascisme. Et où cette majorité sait qu’elle peut compter sur les solidarité antifasciste des travailleurs francophones. Ce sera aussi évidemment un mauvais signal en Wallonie où il n’y a pas besoin d’une extrême droite qui divise les travailleurs et qui s’attaque aux droits démocratiques au lieu de résoudre les problèmes des gens. La tradition antifasciste est forte en Wallonie. Mais les forces politiques et économiques qui voient la carte fasciste comme une option à leurs maux vont tout faire pour l'aider à émerger. Si nous sommes nombreux, nous pourrons les en empêcher.