Blocage du prix du carburant à maximum 1,40€/litre : 5 questions-réponses
Le PTB défend une baisse des accises immédiate et le blocage du prix du carburant sous les 1,40 euro le litre. C’est à la fois nécessaire et parfaitement faisable. Voici les réponses aux principales questions autour de cette revendication.
Plus de 2 euros le litre pour l’essence : c’est un record. Le diesel pourrait quant à lui monter à 3 euros le litre d'ici à l'été. Faute d’alternative, beaucoup de travailleuses et travailleurs sont pourtant obligés d’utiliser leur véhicule pour se rendre au travail ou assurer leurs déplacements essentiels. C’est le cas de Jan, docker au port d’Anvers : « Le prix du carburant a tellement augmenté que je dois bosser plus d’une journée entière pour payer un plein. Aujourd’hui, je vais bosser pour payer l’essence pour aller travailler... »
C’est aussi ce que dit Jaël, aide-ménagère : « Comme maman célibataire avec deux enfants, c’est intenable. On doit constamment choisir entre manger à sa faim, rouler en voiture, se soigner... J’ai dû emprunter de l’argent à mes parents pour pouvoir aller chez le dentiste. »
Une situation d’autant plus difficile qu’elle s’ajoute à une forte hausse de la facture de gaz et d’électricité. Le PTB défend une baisse des accises immédiate afin de maintenir le prix du carburant sous les 1,40 euro le litre. Voici pourquoi et comment.
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4. Baisser les accises, n’est-ce pas en contradiction avec les règles européennes ?
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5. Ne faut-il pas plutôt promouvoir une alternative à la voiture et aux énergies fossiles ?
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Conclusion : le blocage des prix est nécessaire et parfaitement possible
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Question extra : L’embargo sur le pétrole russe, une mauvaise idée ?
1. Pourquoi 1,40 €/L ?
1,40€/L : ce n’est pas un chiffre choisi au hasard. C’est le prix moyen durant la période entre 2015 et 2020. C’est donc un prix parfaitement réaliste pour le carburant.
En réalité, les coûts de production n’ont pas augmenté. Il n’y a pas non plus de pénurie. C’est surtout la logique de marché et la spéculation qui engendrent l’explosion des prix. Et l’industrie pétrolière qui s’en met plein les poches (voir point 3). Le marché, c'est le chaos. On ne peut pas le laisser décider des prix, surtout lorsqu’il s’agit de produits de première nécessité
2. Comment bloquer le prix ?
La manière la plus simple et la plus directe est de baisser les taxes sur le carburant. Aujourd’hui, presque la moitié du prix est composé de taxes. La TVA de 21 % est prélevée à la fois sur le produit même, sur les coûts de distribution mais aussi sur les accises (on paie donc des taxes sur des taxes...) :
Après de longs mois et sous la pression, le Gouvernement fédéral a pris une première mesure dans ce sens en mars 2022. Mais il s’agissait d’une baisse des accises de… 14,5 centimes par litre à peine.1 C’est-à-dire des cacahuètes. Les accises restent beaucoup trop élevées et les récentes augmentations de prix ont déjà complètement neutralisé cette petite économie.
Le PTB propose de baisser les accises pour maintenir le prix à maximum 1,40€/L. Concrètement, en mettant les accises à zéro aujourd’hui, le prix reviendrait à 1,40€/L (en comptant la réduction de TVA liée à cette baisse).
En soi, il serait également nécessaire de baisser la TVA sur le carburant à 6 %. Pour la grande majorité des travailleuses et travailleurs, se déplacer n’est pas un luxe, mais bien un besoin de base.
1En comptant la TVA qui baisse, cela revient à une baisse de 17 centimes par litre.
3. Qui va payer ce blocage ?
Pas question d’aller de nouveau chercher de l’argent dans nos poches. Pour financer cette mesure, nous proposons : (1) d’utiliser les surplus accumulés par l’État ; (2) surtout, d’aller chercher l’argent auprès des géants pétroliers.
Grâce à l’augmentation des prix depuis des mois, le gouvernement fédéral a profité d’énormes revenus supplémentaires. En effet, si les accises sont fixes, les revenus TVA, eux, augmentent avec l’augmentation du prix. Début mars, le service d’étude du PTB avait calculé que l’État avait déjà accumulé 1,1 milliard d’euros de revenus extra. Même la baisse récente d’accises de 14,5 centimes est ainsi en grande partie compensée par l’augmentation des revenus de la TVA.
Les géants du pétrole battent actuellement record sur record en termes de profits.
En 2021, TotalEnergies a réalisé le plus gros bénéfice de son histoire avec près de 14 milliards d’euros. Rien que les trois premiers mois de 2022, profitant notamment de la spéculation liée à la guerre en Ukraine, Total a réalisé 5 milliards d’euros de profit. Le groupe est donc bien parti pour exploser son record de 2021.
Ce sont des profiteurs de guerre. Il n’y a pas d’autre mot. Il n’est pas normal que ces multinationales s’enrichissent ainsi sur notre dos alors que nous peinons de plus en plus à joindre les deux bouts. Il est temps de les faire payer.
4. Baisser les accises, n’est-ce pas en contradiction avec les règles européennes ?
Il y a effectivement une directive européenne (directive 2003/96/CE) qui fixe un niveau minimum de taxation au niveau européen : l’accise minimale est ainsi fixée à 0,359 € par litre pour l’essence sans plomb et à 0,330 € par litre pour le diesel.2 Une autre directive (2006/112/CE) empêche également de baisser la TVA à 6 % sur le carburant en théorie.
Mais ce qu’on remarque, c’est que nos dirigeants invoquent ces règles uniquement quand cela les arrange. Que ce soit pour le sauvetage des banques en 2008 ou plus récemment avec le coronavirus, toute une série de réglementations européennes ont été allègrement bafouées par les États membres (sur les aides aux entreprises, sur le respect du pacte budgétaire, sur la libre-circulation des personnes, etc.). Chaque fois, ils ont invoqué l’urgence liée à la crise. Or, aujourd’hui, on est dans une situation de crise sociale causée par la flambée de la facture énergétique des ménages. Il n’est pas normal que les règles européennes puissent être mises de côté quand il s’agit d’aider les banques, mais que ce ne soit pas possible quand il s’agit d’aider les travailleurs.
Nous estimons que la Belgique doit donc, au niveau européen, défendre la suppression des accises minimales européennes sur le carburant ; et qu’en attendant, elle réduise immédiatement les accises belges au-delà de cette limite pour répondre à l’urgence sociale actuelle.
2Notez que, même dans le cadre des directives actuelles, le gouvernement belge pourrait déjà baisser les accises de 10 centimes par litre.
5. Ne faut-il pas plutôt promouvoir une alternative à la voiture et aux énergies fossiles ?
Il est effectivement absolument nécessaire de travailler en même temps sur le long-terme à des alternatives durables. Que ce soit au niveau du transport en commun ou du développement des énergies renouvelables, nos gouvernements mènent une politique libérale de désinvestissement public et de tout-au-marché qui va dans la mauvaise direction.
Avec le PTB, nous défendons au contraire un plan public d’investissement massif pour les transports en commun (SNCB, De Lijn, TEC, STIB) et la transition énergétique (voir notre programme). Nous soutenons les mobilisations pour aller dans ce sens, sans opposer fin du mois et fin du monde. Si on veut gagner, ces combats doivent absolument aller ensemble.
Conclusion : le blocage des prix est nécessaire et parfaitement possible
Bloquer les prix est une question de choix politique et de rapport de force. Cette revendication est d’ailleurs portée dans d’autre pays : l’Union populaire de Jean-Luc Mélenchon en France, par exemple, la défend également.
Avec le PTB nous avons déposé une proposition de loi en mars pour obtenir ce blocage. Nous avons aussi lancé une pétition qui, en quelques mois, a récolté près de 100 000 signatures. Après la pension minimum à 1 500 € net, le Fond blouses blanches ou la TVA à 6 % sur l’énergie, nous comptons bien mettre cette nouvelle revendication à l’agenda.
Vous pouvez compter sur nous pour continuer à mettre la pression jusqu’à obtenir gain de cause. Et pour cela, on a aussi besoin de vous. Signez et diffusez autour de vous notre pétition :
Je signe
Question extra : L’embargo sur le pétrole russe, une mauvaise idée ?
Les gouvernements occidentaux, poussé dans le dos par les États-Unis, veulent décréter un embargo sur le pétrole russe. Cette mesure ferait encore augmenter les prix. C’est facile, pour tous ces dirigeants qui gagnent plus de 10 000 € par mois, de prendre de telles décisions. Mais c’est la classe travailleuse qui paie l’addition. C’est tout bénéfice pour les États-Unis ou l’Arabie saoudite qui vont pouvoir vendre leur pétrole à l’Europe à la place des Russes. Alors même que le pétrole saoudien, qui finance depuis 2014 la guerre sanglante de l’Arabie Saoudite au Yémen, n’a rien de plus propre que le pétrole russe… Bref c’est une mauvaise idée. Les sanctions doivent être plutôt ciblées contre les oligarques. Et il y a surtout besoin d’une grande initiative au niveau diplomatique pour obtenir le retrait de la Russie et un accord de paix.