Bientôt la fin du système permettant aux politiciens de régler leurs affaires entre eux ?
Le 4 décembre, à Strasbourg, la grande chambre de la Cour européenne des droits de l'homme se penchera sur l'affaire opposant Germain Mugemangango à l'État belge. Germain Mugemangango, tête de liste PTB à Charleroi lors des élections régionales du 25 mai 2014, a porté plainte auprès de cette instance en raison de la manière partiale et malhonnête dont a été traitée sa contestation du comptage des résultats des élections. Aujourd'hui, il est fort probable que la Cour condamne notre pays puisqu'elle a reçu un avis dans ce sens de la Commission de Venise, un organe consultatif du Conseil de l'Europe spécialisé dans de telles affaires.
De quoi s'agit-il ? En 2014, il Germain Mugemangango n'a pas été élu à 14 voix près. Cela alors que, dans son district électoral, plus de 22 000 votes blancs et nuls et plusieurs irrégularités ont été constatés. Il a donc déposé une contestation écrite devant le Parlement Wallon pour demander un recomptage de ces bulletins de vote. En première instance, une commission composée par le Parlement lui-même lui a donné raison et a recommandé de recompter les bulletins. Toutefois, le lendemain, le Parlement en séance plénière a rejeté cette recommandation par vote. En conséquence, il n'y a pas eu de recomptage des bulletins sujets à caution et Germain Mugemangango a perdu toute possibilité d'être élu. S'il y avait eu un recomptage, il est fort possible qu'il ait siégé au Parlement wallon pendant les cinq années de la dernière législature.
En Belgique, les députés, tant fédéraux que régionaux, sont juge et partie quand il s'agit d'approuver leur propre élection ou de juger les contestations sur le déroulement du scrutin. Ils règlent leurs affaires entre eux. Dans l'actuel système, il n'existe pas d'organe impartial compétent pour juger les contestations. La tête de liste PTB à Charleroi a été victime de l'absence de procédure juste et honnête.
Ce sont donc les parlementaires de tous les autres partis qui ont décidé entre eux quant à cette contestation, alors qu'ils avaient intérêt à ce que la tête de liste du PTB ne soit pas élu. En effet, si un recomptage avait montré que Germain Mugemangango était bel et bien élu, un de ces parlementaires aurait dû lui céder sa place. Ils étaient donc juge et partie dans l'affaire. La contestation écrite de Germain Mugemangango a donc été rejetée sans qu'il puisse y avoir de traitement équitable par un organe indépendant – ce qui est contraire au droit fondamental à un procès impartial et honnête.
Une condamnation de la Belgique par la Cour européenne aurait d'importantes conséquences sur la manière dont sont traités les litiges postélectoraux dans notre pays. La Constitution belge stipule dans l'article 48 : « Chaque Chambre vérifie les pouvoirs de ses membres et juge les contestations qui s'élèvent à ce sujet. » Ce système vaut pour tous les Parlements de Belgique. La Commission de Venise recommande à la Cour européenne de juger que cette disposition est en contradiction avec l'article 3 du protocole additionnel de la Convention européenne des droits de l'homme, qui affirme le droit à un processus électoral honnête, et avec l'article 13 de cette convention qui fixe le droit à un recours effectif. La probabilité est donc grande pour que la Cour donne raison à Germain Mugemangango.
En cas de condamnation la Belgique, un amendement de l'article 48 de la Constitution s'impose. Le système belge est obsolète. Le PTB veut que les contestations et litiges postélectoraux sur la nomination des députés soient traités par un conseil indépendant et impartial composé de citoyens et de spécialistes indépendants, éventuellement sous la présidence d'un juge indépendant. Par là, il serait enfin mis un terme à un système dans lequel les représentants politiques règlent de tels litiges entre eux, alors que les parlementaires ont par définition un intérêt propre dans l'affaire. Il faut élaborer une procédure qui respecte les droits de la défense.