Bâtiments scolaires : Y aura-t-il des fonds pour tout le monde ?
Les gestes barrières. Des gestes essentiels pour empêcher le coronavirus de se répandre. Parmi ceux-ci, il y a le lavage des mains. Un geste simple devenu beaucoup plus fréquent, et qui lève le voile sur un problème nouveau. Ou, plus exactement, un problème récurrent mais jamais vraiment pris en mains : l’état des toilettes dans les écoles. Et, par extension, celui des bâtiments scolaires en général. Mais a-t-on assez d’argent pour tout (re)mettre à niveau ?
Alice Bernard et Jean-Pierre Kerckhofs
Juste avant la crise sanitaire, le gouvernement de la Communauté française a lancé un grand chantier de rénovation des bâtiments scolaires. Avec la pandémie, il lui a donné un coup d’accélérateur. L’arrivée de fonds (on parle de 300 millions, mais c’est encore à confirmer) dans le cadre du Plan de relance européen offre de nouvelles perspectives, notamment pour les travaux en lien avec la transition écologique et numérique.
Mais, depuis quelques semaines, de nombreux parents et enseignants s’interrogent sur la manière dont sera réparti cet argent, entre les écoles des réseaux public, public subventionné (communal et provincial) et libre subventionné.
La répartition prévue par le gouvernement, déséquilibrée ?
Actuellement, la Communauté française finance l'ensemble des salaires de tous les enseignants, tous réseaux confondus. Les frais de fonctionnement et les bâtiments sont, eux, financés de façon variable selon les réseaux (entre la moitié et la totalité). Les salaires représentent 85 % du budget total, les frais de fonctionnement 11 %, et les bâtiments 4 %. C’est dans ces 4 % du budget que se situe la polémique actuelle à propos de la répartition des fonds.
Dans cette portion du budget, on peut parler d’un déséquilibre. Mais lorsqu’on regarde le budget total de l’enseignement (salaires, fonctionnement et bâtiments), on constate que quand on donne 100 euros pour un élève de l’enseignement public, on donne 95 euros pour un élève de l’enseignement subventionné. Il y a donc effectivement un déséquilibre, mais pas un gouffre entre les réseaux.
Rappelons que, depuis 30 ans, tous les partis qui ont été au pouvoir (c’est à dire tous les partis traditionnels) ont réduit les investissements dans les bâtiments scolaires. Ainsi, aujourd’hui, les besoins sont immenses. On ne compte plus les fuites dans les toits, les châssis endommagés qui laissent passer le froid, les préfabriqués provisoires, les simples vitrages qui sont des véritables passoires énergétiques… Sans parler de l’état déplorable des sanitaires.
Pour faire face à la crise du coronavirus, plus de 800 écoles ont envoyé des projets de rénovation des sanitaires pour un montant de 40 millions d’euros. Les montants disponibles n’ont permis d’en financer que la moitié. Il est donc normal que les attentes soient énormes partout.
Un cadastre est nécessaire
Le problème ne se situe pas dans la répartition des moyens, mais dans leur insuffisance. Il n’y a pas assez d’argent. En février, les services du gouvernement ont envoyé un questionnaire à toutes les écoles pour faire l’inventaire de tous les bâtiments existants et des demandes de travaux. Il faut que les résultats soient disponibles en mai. Ce sera une base objective et concrète qui permettra de définir les priorités pour la répartition des fonds.
Un tel cadastre a déjà été réalisé il y a presque 20 ans. Si on actualise ses résultats, on voit que les besoins actuels peuvent être évalués à environ 1,8 milliard (tous réseaux confondus). Ce qui semble d’ailleurs se confirmer par les résultats préliminaires de l’enquête en cours.
Le ministre Daerden (PS) prévoit un programme d’investissements d’1,2 milliard. Les 300 millions du fonds de relance européens, à propos desquels ont surgi ces questions sur la répartition, ne représentent donc pas la totalité des investissements prévus. Mais ils ne comblent pas la totalité des besoins.
Un enfant = un enfant
Chaque enfant est capable de grandes choses, et notamment de développer des compétences scientifiques, techniques, artistiques, linguistiques. Chaque école doit être capable d’offrir à chacun un enseignement de qualité, qui fait briller tout le monde. Mais, actuellement, en Communauté française, ce n’est pas possible. Car nous avons un enseignement à deux vitesses, avec des barrières financières, mais surtout structurelles. L’échec est un problème courant. À 15 ans, plus de la moitié des élèves de la Communauté française compte au moins une année de retard dans leur parcours scolaire.
La caractéristique principale de notre enseignement, c’est son aspect inégalitaire. Les résultats sont fortement influencés par l’origine sociale. La concurrence entre écoles est une des causes principales de ces inégalités. Elle est alimentée par le marché scolaire. Chaque année les écoles déploient tous les moyens possibles pour attirer les élèves, et le système des réseaux entretient cette concurrence.
Tout serait beaucoup plus simple s’il n’y avait qu’un seul réseau public. Mais aujourd’hui, l’important est de se battre pour une augmentation des moyens pour tous les enfants, bien au-delà des 300 millions du Plan de relance européen. Investir dans l’enseignement ce n'est pas une perte, mais un gain à moyen et à long terme.