Attaque sur les congés et plus de flexibilité : ce n’est pas aux travailleurs de payer la crise
« On ne va quand même pas tous partir en vacances cet été ? », a lâché cette semaine le président du Voka (association patronale flamande). Cette déclaration ouvre une offensive plus générale pour nous faire travailler plus, de manière plus flexible et pour moins cher. Offensive à laquelle s’est joint le chef des grands patrons wallons, et qui revient à dire que les héros du coronavirus vont devoir payer la crise. Il faut refuser cette logique et faire sauter un tabou de la politique belge : faire payer les grandes fortunes.
Peu après l’annonce des patrons du Nord du pays, Olivier de Wasseige, le patron de l’UWE (Union wallonne des entreprises) a en effet déclaré « s’aligner sur les propositions du Voka ». Patrons du Nord comme du Sud parlent donc la même langue durant cette crise. Mais que veulent-ils exactement ?
Quatre mesures pour nous faire travailler plus et gagner moins
Tout d’abord, les patrons veulent faire commencer le travail de nuit à minuit, plutôt que 20h aujourd’hui. Pourquoi ? Pour pouvoir payer les heures de travail entre 20h et minuit sans supplément et pour limiter l’influence des syndicats. En effet, dans de nombreuses entreprises, il faut l’accord de la délégations syndicales pour pouvoir travailler la nuit.
Ensuite, il veulent généraliser les heures supplémentaires. Le patron pourrait « proposer » aux travailleurs de faire jusqu’à 220 heures supplémentaires par an. Sans récupération, sans sursalaire et sans contrôle syndical. Dans beaucoup de cas, cela voudrait dire un retour à la semaine de 42 heures.
Par ailleurs, ils veulent pouvoir reporter les vacances. Par exemple, dans le secteur de la construction, les vacances ont lieu durant les trois dernières semaines de juillet. Ils voudraient pouvoir empêcher ça et reporter les vacances après l’été.
Enfin, le patron de l’Union des classes moyennes (UCM), Pierre-Frédéric Nyst, déclare vouloir assouplir le régime des licenciements. En d’autres mots, il voudrait pouvoir licencier sans que cela coûte.
Des vieilles mesures
Il ne s’agit pas de nouvelles revendications nées suite aux difficultés de la crise du coronavirus. Elles étaient déjà présentes au moment de la « loi Peeters », du nom du ministre CD&V de l’Emploi de l’époque. Ce paquet de mesures, inspiré par les revendications des patrons, avait fait l’objet d’une grande résistance syndicale – en particulier dans le secteur du commerce –, qui avait pu freiner les mesures les plus graves. Entre autre sur les heures de nuit. C’était en 2016. Rien de neuf, donc, dans ces demandes des patrons.
Pourquoi nous faire travailler plus avec 200 000 chômeurs en plus ?
Les propositions patronales ont fait réagir Raoul Hedebouw, porte-parole du PTB : « Nos vacances sont précieuses, encore plus durant cette période. Les secteurs de l’Horeca et du tourisme, très durement touchés par la crise, ont besoin que nous prenions nos vacances. Et nous aussi évidemment. De plus, on annonce 180 000 nouveaux chômeurs et le patronat veut faire travailler encore plus celles et ceux qui ont déjà un boulot. Sans payer de sursalaire. C’est absurde. Si certaines entreprises ont plus de travail, elles doivent engager plutôt que de faire travailler plus celles et ceux qui se tuent déjà à la tâche. Cela permettra de donner un revenu à plus de monde et de ne pas épuiser ceux qui bossent déjà. »
Des recettes qui ont montré leur inefficacité
Mais plus globalement encore, l’offensive patronale est un marqueur de la lutte en cours pour savoir qui va payer la crise. Et cela se marque dans tous les domaines. Cela s’est marqué au début de la pandémie. De nombreux patrons étaient prêts à sacrifier la santé de leurs salariés au nom du profit. Heureusement, l’action des travailleurs et de leurs délégués syndicaux pour soit faire arrêter la production ou pour avoir de bonnes conditions sanitaires a pu limiter les dégâts. Maintenant, ces sociétés demandent de l’aide inconditionnel de l’État et veulent faire baisser nos salaires et nous faire travailler plus longtemps.
Le patronat profite de la crise pour tenter de faire passer ses vieilles recettes qui ont prouvé leur inefficacité. Faire travailler les gens plus longtemps, cela entraine plus de chômage et de travailleurs malades. Baisser les salaires, c’est moins d’argent pour la consommation, ce qui tire l’économie vers le bas. Moins de salaire, c’est aussi moins d’argent pour la sécurité sociale et nos soins de santé qui en ont cruellement besoin. La crise du Covid-19 l’a bien démontrée.
« Tout doit être discutable »
Mais « tout doit être discutable », explique Wouter De Geest. Sur ce point il a raison. Pourtant, il y a quelques idées qui restent complètement taboues pour Wouter De Geest et ses alliés politiques. Comme l’a expliqué récemment Peter Mertens sur les plateaux TV de la VRT : « Il y a des tabous au Parlement. L’un de ces tabous, c’est l’inégalité des richesses. L’idée de regarder vers le sommet de la société et d’instaurer une Taxe Corona sur les multimillionnaires est tout de suite accueillie avec des mots comme “populiste”, “irréaliste”, etc. ». C’est pourtant une idée qui a prouvé son efficacité là où elle a été mise en oeuvre. Une idée soutenue par déjà près de 60 000 signataires. Une idée qui met à contribution les plus fortunés pour éviter d’aller puiser dans les poches des héros de la crise du coronavirus : les travailleuses et les travailleurs. C’est ce genre d’innovation sociale dont on a besoin pour affronter l’après Covid-19. Pas des vieilles recettes libérales qui aggravent le mal.