Après avoir pris connaissance de toutes les informations, le PTB appelle de nouveau à renoncer à la privatisation de Voo. Voici pourquoi
Ce lundi 23 décembre, le Conseil d'administration d'Enodia (ex-Publifin) doit se prononcer sur la vente du câblo-opérateur Voo au vautour financier américain Providence. Damien Robert, administrateur PTB au sein d'Enodia, a consulté les documents de l'offre, appelle encore une fois à refuser cette vente, qui revient dans les faits à privatiser Voo.
La vente de 51 % des parts de Voo à Providence, qui sera soumise aujourd'hui à 16h au conseil d'administration d'Enodia, est présentée par le PS, le MR et Ecolo comme différente de la version négociée il y a quelques mois par Stéphane Moreau. Pour ces partis, la nouvelle version va maintenir l'emploi, garantir des investissements pour améliorer la qualité des services et rapporter beaucoup d'argent. Le PTB ne partage pas ce point de vue. Damien Robert, administrateur PTB d'Enodia, a pu consulter ce week-end les différents documents. Pour lui, la réalité est toute autre : « Cette privatisation laisse les clés de notre câblo-opérateur à une société américaine dont le seul objectif est de garantir un retour sur investissements minimal de 10 % par an, qui se fera sur le dos des travailleurs et des clients. Pour un parti de gauche comme le nôtre, il est inconcevable de soutenir ce genre de scénarios, certainement avec ce que nous avons découvert en analysant attentivement les conditions de la vente. »
Premièrement, le contrôle de Voo va dorénavant échapper aux actionnaires publics. Sur les 9 administrateurs de la nouvelle société, il y en aura 3 qui seront nommés par Nethys, 1 indépendant et les 5 autres seront nommés par Providence. « Le centre du pouvoir dans cette société sera dorénavant aux mains du fonds d'investissement Providence, explique Damien Robert. Par exemple, concernant les décisions stratégiques et budgétaires, les administrateurs de Nethys n'auront qu'un "droit de regard" et c'est l'intérêt du profit qui va primer encore plus qu'aujourd'hui sur l'intérêt des gens. »
Concernant certains aspects, comme la décision ou non d'opérer des licenciements collectifs, les droits de Nethys, comme dans la version précédente, existent. Mais ils ne sont pas absolus. « Il y a bien une clause qui garantit à Nethys un pouvoir de "co-décision" quant aux licenciements collectifs, mais il n'y a pas d'interdiction de licencier, poursuit l’administrateur PTB. En effet, le licenciement collectif est permis si l'objectif visé par la réduction de personnel ne peut être atteinte autrement et que le licenciement collectif devient le dernier recours. »
De plus, il n'y a aucune garantie d'investissement. Les objectifs clairs qui sont fixés le sont en matière de retour sur investissements. « En effet, le management de la société pourra obtenir des dividendes supplémentaires sur une partie des actions si l'entreprise dépasse un taux de retour sur investissements de 10 %, dénonce Damien Robert. Ce montant pourra encore être augmenté moyennant certaines conditions. La société et les travailleurs vont donc devoir subir le rythme de la recherche permanente de profit. »
Il reste aussi beaucoup d'incertitudes sur le prix. Le prix provisoire est certes un peu plus élevé que celui négocié par Stéphane Moreau, mais on est loin d'obtenir d'énormes différences. Par exemple, dans un scénario d'une vente sans Brutele, la valeur de l'entreprise provisoire négociée à l'époque était de 820 millions d’euros. Aujourd'hui, en envisageant le scénario d'une vente sans Brutele, la valeur d'entreprise plancher est fixée à 835 millions d’euros. D'autres éléments doivent encore déterminer le prix final, comme l'endettement ou le montant du prêt qui sera nécessaire pour effectuer l'opération. « Il n'y a pas de garantie que le montant reçu au final dans les caisses de Nethys soit drastiquement plus élevé que le scénario envisagé par Stéphane Moreau », constate Damien Robert.
À court terme, cette opération va aussi faire disparaître quasi complètement l'actionnaire public de l'entreprise. En effet, en cas de vente de la part de Providence, une clause oblige Nethys à vendre ses parts (avec un droit de garder maximum 10 % des parts) en même temps. De son coté, Providence ne peut vendre avant les trois ans qui suivent l'opération actuelle. « La probabilité est donc forte que les communes et Province ne soient plus actionnaires (ou seulement actionnaires ultra minoritaires) dans peu de temps, dénonce l'administrateur PTB. Le scénario de la privatisation totale est donc déjà ficelé. »
« Après avoir géré l'entreprise publique Voo comme une entreprise privée, le PS et le MR, avec la complicité d'Ecolo, s'apprêtent à laisser ce joyau dans les mains d'un vautour financier, réagit Germain Mugemangango, porte-parole francophone du PTB. Le cœur de la philosophie du projet mis en place par Stéphane Moreau est maintenu. Il y a clairement un fossé entre le PS et Ecolo qui défendent activement les services publics dans leurs programme électoraux respectifs et ces mêmes partis qui, avec l'appui du ministre Dermagne et de l'ensemble du gouvernement, organisent dans les faits la privatisation du câblo-opérateur wallon. »
Et de conclure : « C'est justement cette gauche de renoncement qui tue la Wallonie à petit feu. Nous espérons que les administrateurs vont suivre la position de la gauche authentique en demandant la suspension de la vente de Voo cet après-midi au conseil d'administration d'Enodia. »