50 ans de Médecine pour le Peuple : retour sur le modèle du futur
Dans le prochain numéro de Solidaire (pour le recevoir, c’est par ici), nous avons rencontré la présidente de Médecine pour le Peuple (MPLP), Janneke Ronse, et le docteur Sofie Merckx – également députée fédérale PTB. L’occasion de parler du chemin qu’il reste à parcourir pour une médecine de qualité accessible à toutes et tous et une société des gens d’abord, et pas du profit. En voici un extrait. Gratuit, évidemment.
Un demi-siècle de Médecine pour le Peuple... Qu’est-ce que cela vous fait ?
Janneke Ronse. Tout d’abord, cela donne de la fierté, surtout maintenant que nous sommes confrontés à une énorme crise sanitaire. Nous sommes très fiers de nos onze maisons médicales, de l’ensemble de notre personnel, de nos bénévoles et de nos sympathisants.
Sofie Merckx. Beaucoup de choses ont changé au cours de ces 50 années. Cela avait commencé avec quelques médecins qui voulaient pratiquer la médecine d’une manière différente. Aujourd’hui, ce sont des centres multidisciplinaires qui emploient 220 personnes. Au début, il n’y avait que des médecins généralistes, maintenant il y a aussi des infirmières, des psychologues, des diététiciennes, un accueil professionnel... Ce n’était pas une idée éphémère, MPLP est plus que jamais sur des bases solides.
C’est un moment important pour se demander quelle société nous voulons. Quelle place donnons-nous aux soins de santé mentale ? Comment organisons-nous les soins ?
Médecine pour le Peuple est sur le terrain non-stop avec la crise du coronavirus. Ne commencez-vous pas à être à bout ?
Janneke Ronse. Nous avons un grand avantage à MPLP, c’est que nous travaillons collectivement. Mais bien sûr, ce serait bien que cette crise prenne fin, petit à petit.
Sofie Merckx. Les effets de cette crise se feront encore sentir pendant des années. Les gens se rendent désormais moins rapidement chez le médecin, par exemple, et cela va avoir des conséquences. Nous ne devons pas non plus sous-estimer les conséquences psychologiques. Dans ma maison médicale (à Marcinelle, NdlR), je vois de plus en plus de personnes qui sont complètement abattues. En tant que société, nous subirons encore longtemps les conséquences de ce qui se passe maintenant. C’est donc aussi un moment important pour se demander quelle société nous voulons. Quelle place donnons-nous aux soins de santé mentale ? Comment organisons-nous les soins ?
Janneke Ronse. On manque encore grandement de mesures préventives structurelles, proches des gens, de manière à suivre correctement ce qui est nécessaire au sein d’une communauté. Cela peut être très large. Les gens ont peut-être besoin de plus d’exercice physique, il y a peut-être un problème de pollution de l’environnement, il peut s’agir de conditions de travail, de violence... Les pays disposant de telles structures ont pu réagir beaucoup plus rapidement et efficacement face à la crise. C’est une leçon à tirer de cette crise.
Plus qu’un réseau de maisons médicales, nous sommes un mouvement qui entraîne les gens dans la lutte pour un autre monde
Une question revient cycliquement : quels sont les liens entre Médecine pour le Peuple et le PTB ?
Janneke Ronse. « Le droit à la santé dans une société saine », c’est notre principe. Pour parvenir à cette société saine, nous pensons qu’il faut se défaire du capitalisme et développer un modèle socialiste. Le lien avec le PTB est donc logique, nous ne le cachons pas. Cependant, tous les membres de notre personnel et tous nos patients ne sont pas membres du parti. C’est un choix en tant qu’organisation, mais par ailleurs, chaque collaborateur, chaque patient est totalement libre de faire comme bon lui semble. De nombreux problèmes que nous rencontrons ne peuvent être résolus entre nos murs, mais nous pouvons les traduire en dossiers et en actions politiques. Par exemple, de nombreuses personnes hésitent à se mettre en quarantaine, parce que cela réduirait leurs revenus ou risquerait de leur faire perdre leur emploi. En tant que médecin ou infirmière, on ne peut pas y faire grand-chose, mais en en faisant une revendication politique, nous pouvons avancer.
Sofie Merckx. Nous ne pouvons pas changer la société si nous n’avons pas les gens avec nous. Nous ne considérons pas un patient comme quelqu’un qui entre dans notre cabinet et qui en repart avec une ordonnance. Nous voulons entamer un dialogue avec ces patients et nous battre ensemble contre l’injustice. Aujourd’hui, par exemple, les vaccins sont un sujet brûlant. Il n’y en a pas assez pour approvisionner le monde entier. Les gens se demandent quand ils seront vaccinés. C’est une bonne occasion d’en discuter. Comment se fait-il que vous deviez attendre si longtemps pour ce vaccin ? C’est à cause du monopole de certaines entreprises qui refusent de partager leurs connaissances. Elles veulent faire le plus de profit possible. Nous demandons ensuite aux gens de signer la pétition européenne pour la suppression des brevets (« No Profit On Pandemic »). De cette manière, nous les invitons à être acteurs. En ce sens, MPLP est plus qu’un réseau de maisons médicales, c’est un mouvement qui entraîne les gens dans la lutte pour un autre monde.