at jeu, 29/03/2018 - 20:16 from mons

De l'argent pour des avions de chasse ou pour combattre la pauvreté : un choix politique
Le ministère de la Défense espérait pouvoir parader cet été avec l'aboutissement d'un des plus lourds dossiers de cette législature : l'achat de 34 nouveaux avions de chasse. Mais, en l'espace d'une semaine, tant le dossier d'achat lui-même que la position de hauts dirigeants de l'armée et du ministre Vandeput sont devenus l'objet de toutes les critiques.
Depuis plus d'une semaine, le scandale des F-16 est au centre de l'attention des médias et de la rue (de la Loi). Les dernières révélations sont tout bonnement stupéfiantes.
La fuite d'un document interne du cabinet montre aussi que tout le processus de sélection était une farce. Le choix du F-35, l'avion le plus sophistiqué au plan technologique, était déjà fixé en 2015 (!). Qui avait intérêt à cela ? Combien de décisions portant sur des choix de société sont-elles encore prises de la sorte sans débat public préalable ?
Le contribuable doublement floué
Le « contrat militaire du siècle » coûte la bagatelle de 15 milliards d'euros. Pourtant, on nous répète jusqu'à plus soif que « tout le monde doit faire des efforts ». Le gouvernement taille dans nos pensions, nos salaires, la sécurité sociale... Partout où c'est possible, on veut faire des économies sur le dos des travailleurs. Comment concilier cela avec une dépense de 15 milliards ?
Le public n'a jamais été vraiment impliqué dans ce choix de société. Jusqu'il y a peu, il n'y avait eu aucun débat public sur la nécessité d'acheter de nouveaux avions de chasse à la technologie la plus sophistiquée. Et, maintenant que le débat public a enfin lieu, plusieurs récents sondages montrent que la majorité des Belges sont opposés à cet achat.
Au départ, l'option de moderniser la flotte existante était également sur la table, a bien dû récemment reconnaître le ministre de la Défense Steven Vandeput (N-VA). Or cette option a immédiatement été écartée, ce qui soulève pas mal de questions. Il n'y a donc rien d'étonnant à ce que le contribuable belge se sente doublement floué. Cette gigantesque somme d'argent, on aurait préféré qu'elle aille, par exemple, aux soins de santé. De plus, on a découvert que ce dossier était totalement vicié par des jeux d'influence et la manipulation.
Ce que nous avons appris la semaine dernière
Nos F-16 peuvent encore fonctionner pendant longtemps. C'est ce qui ressort d'une étude de Lockheed Martin, le constructeur de ceux-ci. Ce ne seront certes plus des « topguns » dernier cri, mais ils peuvent toujours parfaitement surveiller noter espace aérien. En outre, ils ne sont absolument pas aussi vieux que l'a affirmé le ministre Vandeput. Celui-ci a en effet déclaré que l'année de construction de ces appareils était 1979. Or il apparaît désormais que la plus grande partie d'entre eux a été construite entre 1988 et 1991...
Tous ces éléments n'ont été révélés que la semaine dernière. Pourquoi cette importante information, qui peut peser sur la procédure de décision, n'a-t-elle jamais été divulguée ? Pourquoi, dès le départ, a-t-il été décidé qu'il fallait absolument remplacer nos F-16 ? Et qu'il fallait que ce soit par des F-35 ?
Et, clou de l'affaire, nos hautes instances de l'armée et la ministère de la Défense ont en fait d'autres projets pour ces nouveaux avions de chasse. Ceux-ci devront servir à transporter la toute nouvelle génération de missiles nucléaires. En d'autres termes, les F-35 seront utilisés pour larguer des bombes.
L'Otan veut surtout avoir la possibilité d'intervenir rapidement si le pouvoir des multinationales est en danger
Quand l'Otan joue avec notre argent pour faire la guerre
La Belgique est membre de l'Otan. Cela signifie que nous sommes partie prenante d'un traité militaire qui détermine la défense et la collaboration mutuelles des armées des pays occidentaux. Ce traité comporte le « nuclear sharing » (partage nucléaire). Des missiles nucléaires nord-américains sont stockés dans certains pays européens, dont la Belgique. Ces pays peuvent alors être chargés du transport de ces missiles en cas d'utilisation de ceux-ci.
Selon l'Otan, cela constitue la garantie ultime pour l'Europe d'être « protégée » par les États-Unis si notre sécurité nationale était menacée. En réalité, l'Otan veut surtout avoir la possibilité d'intervenir rapidement si le pouvoir des multinationales est en danger. C'est ce qu'on a pu constater avec la guerre en Irak. Les intérêts du peuple, tant irakien qu'américain, ne comptaient pas du tout, l'objectif primordial était le pétrole... La conséquence a été 1 million de morts et la dislocation et l'effondrement total d'une région où le mouvement terroriste Daech a rapidement pris racine. Ces avions n'ont pas pour but d'assurer notre sécurité. Ils seront utilisés pour défendre intérêts économiques de l'Occident.
En étant partie prenante de cela, nous participons aussi à la course nucléaire du président américain Trump. Celui-ci est à la tête de la plus grande puissance nucléaire du monde et rien ne lui plairait tant que de mener une petite guerre (nucléaire). Voulons-nous vraiment participer à une course à l'armement nucléaire qui nous lance vers la guerre et la destruction ?
Ces missions nucléaires des nouveaux avions de chasse ont également été le plus possible écartées du débat. Or il semble bien que celles-ci sont beaucoup plus importantes que ce qu'on pensait. C'est ce que montre la fuite du dossier traité en « kern » (le conseil des ministres restreint). En coulisse, on pense constamment de manière stratégique au largage de bombes nucléaires. Et peu importe l'opinion de la population...
Avions de chasse, guerres et réfugiés
« Si nous voulons répondre aux défis actuels en matière de sécurité, nous avons besoin d'avions de chasse modernes », déclare Vandeput, ajoutant finement : « Ou voulons-nous que Daech vienne jusqu'ici ? »
Voulons-nous vraiment participer à une course à l'armement nucléaire qui nous lance vers la guerre et la destruction ?
Frapper Daech sur son propre terrain et ainsi y mettre fin. Cela semble une bonne idée, mais, en réalité, ce sont les interventions occidentales au Moyen-Orient qui ont fait de ces régions un creuset du terrorisme. Affirmer que ces interventions ont eu lieu dans l'intérêt des populations locales n'est qu'un prétexte. Les victimes civiles se comptent par centaines de milliers. Sans parler des millions de réfugiés qui sont la conséquence de cette guerre.
Ces nouveaux appareils de combat seront eux aussi utilisés pour des missions requises dans le cadre de coalitions internationales. L'une de ces missions – qui nous incombe à nous ainsi qu'aux Pays-Bas – est la participation à la guerre en Syrie, dans le cadre de la « Coalition of the Willing ». Nos avions bombardiers opéreront dans des guerres qui, une fois de plus, aboutiront à des flux massifs de réfugiés vers nos contrées. Mais il n'y aura pas d'argent pour une politique d'accueil humaine. celui-ci aura entièrement été englouti dans des engins de guerre.
Vandeput oublie tout aussi finement aussi de dire que l'EI est déjà venu chez nous un certain nombre de fois. Et ce n'est pas avec des F-35 qu'on aurait pu éviter les attentats de Bruxelles. Ni ceux de Paris, ni celui de Nice, ni tous les autres. Ce qui, en revanche, serait utile, ce serait d'éviter de créer des creusets de terrorisme. Ce qui veut dire, entre autres, que l'on ne jette pas des régions entières dans le chaos en y menant la guerre.
Armes, argent et conflits d'intérêts
La Défense a sans doute estimé qu'après des restrictions budgétaires successives, elle avait droit à une très grosse part de gâteau. Tous les partis au gouvernement (sans oublier le sp.a qui, lors de la précédente législature, était dans la majorité) avaient déjà déclaré qu'ils acceptaient l'exigence des États-Unis d'augmenter les dépenses en matière de défense de 2 %. Sur ce plan, la Belgique figurait en effet tout au bas du classement européen. Un gros achat militaire allait donc rectifier cette situation.
L'ancien chef de cabinet adjoint du ministre Vandeput travaille désormais pour Lockheed Martin
Donc, il fallait remplacer les F-16. Le ministre de la Défense Vandeput prétend contre vents et marées que ce dossier d'achat était on ne peut plus transparent et qu'il y avait des cloisons bien étanches entre l'armée et le ministère de la Défense. Petite remarque : son cabinet actuel est surtout composé de gens qui, auparavant, étaient actifs dans l'armée. Quant à son ancien chef de cabinet adjoint, Simon Put, il travaille aujourd'hui comme consultant pour... Lockheed Martin. À la fin de l'an dernier, Put a annoncé son changement de carrière. Mais il s'est abstenu de confier au registre de la transparence nombre d'éléments au sujet de ses contacts avec Lockheed Martin.
La majorité des hauts responsables de la force aérienne belge et le ministre de la Défense roulent eux aussi pour Lockheed Martin. L'un des quatre officiers supérieurs qui auraient manipulé le dossier est le colonel Letten. Il est en même temps le représentant attitré de l'armée belge dans les meetings internationaux organisés par Lockheed Martin. Certaines sources en font le chaînon manquant qui relie entre eux tous les éléments du scandale du F-16.
Ensuite, en 2016 déjà, un autre haut gradé de la force aérienne aurait adressé des coups de fil préoccupants à Lockheed Martin : le résultat de l'étude sur le prolongement de la durée de vie du F-16 n'aurait pas été de son goût.
Quant au ministre Vandeput lui-même, il était tellement focalisé sur les F-35 qu'il n'a pas voulu voir la moindre information défavorable à celui-ci. À moins qu'il n'ait été au courant de ces informations et qu'il ait décidé de passer outre. Dans l'intérêt de qui ? Certainement pas dans le nôtre... Dans les sphères où se rencontrent la politique de haut niveau et le monde des affaires, et certainement celui de l'industrie militaire, il se passe des choses particulièrement nocives pour la démocratie. Les montants avec lesquels on jongle sont tellement colossaux que les machines de lobbying de l'industrie militaire tournent à plein régime.
Les alternatives
Une chose est en tout cas certaine : cet achat de plusieurs milliards va être très, très dur à avaler pour le contribuable. D'autant plus lorsqu'on sait qu'on a été floué par de hautes instances de l'armée, du ministère de la Défense et du complexe militaro-industriel américain.
Dans une démocratie, ce n'est pas à l'armée ni à l'establishment américain de décider pour les citoyens
Ce que nous apprend le dossier de l'achat des nouveaux avions de chasse, c'est qu'il est tout à fait possible de trouver de l'argent. À quoi il peut être dépensé est une question de choix politique. Dans une démocratie, c'est aux citoyens de faire ce choix et non pas à l'armée ni à l'establishment américain.
Un syndicaliste avait un petite proposition pour le ministre Vandeput : celui-ci pourrait instantanément devenir le héros du gouvernement en réaffectant ces 15 milliards d'euros pour payer à tout le monde pendant vingt ans une pension de 1500 euros par mois...
C'est sur cela que doit porter le débat : sur la sorte de société que nous choisissons. De l'argent pour des avions de combat ou pour combattre la pauvreté ? Il s'agit là d'un choix politique, monsieur De Wever et consorts.
La plateforme « Pas d'avions de chasse » demande la fin immédiate de la procédure de remplacement du F16 et appelle à l'organisation d'un débat public large sur la nécessité de remplacer ces avions de combat. Elle organise une action à Bruxelles le 22 avril pour envoyer un signal clair à notre gouvernement. Plus d'infos ici.
Le président américain Trump a prévu de revenir en Belgique l’été prochain. Il n’était pas le bienvenu l’année passée, et il ne le sera pas cette fois non plus : il se rend à un sommet de l’OTAN qui prévoit d’augmenter les dépenses dans la Défense. Et où notre gouvernement compte bien parader avec ses nouveaux avions de chasse à 15 milliards… Arrêtons cette surenchère militaire. Rendez-vous le samedi 7 juillet prochain (voir l’événement Facebook) pour manifester à l’appel de la plateforme Trump Not Welcome. #MakePeaceGreatAgain

Commentaires
at ven, 30/03/2018 - 08:45 from France
at dim, 01/04/2018 - 15:10 from liege
at ven, 30/03/2018 - 16:21 from Dottignies 7711 (Mouscron)
at ven, 30/03/2018 - 19:13 from CHATELET
at ven, 30/03/2018 - 19:38 from Soumagne
at ven, 30/03/2018 - 20:46 from BOHAN / SEMOIS
at sam, 31/03/2018 - 20:42 from mons
at dim, 01/04/2018 - 15:01 from liege
Ajouter un commentaire